Sunday, October 31, 2010
Saturday, March 20, 2010
Saturday, June 11, 2005
LE ROI DES POÈTES
Rabindranath Tagore
Rabindranath Tagore, le roi des poètes du Bengale, né en 1861 avait hérité de l’esthétique sanskrite avec ses grandes épopées le Ramayana et le Mahabharata, ses grands poètes Kalidas ( Gœthe trouvait en lui l’union du Ciel et de la Terre, du vrai et du beau ), Joydev et les auteurs des ‘Padabali’ (Poèmes lyriques), de la renaissance bengalie avec Rammohan et ses successeurs, et d’un environnement familial exceptionnel où il subit l’influence des cultures indienne et européenne. Non seulement son frère Joytirindranath Tagore et son ami intime Priyanath Sen connaissaient la langue et littérature françaises mais les autres membres de la famille comme Ashutosh Chaudhuri, le mari de Pratibha Debi sa cousine, Pramathanath Chaudhuri et sa femme Indira Debi, savaient le français. Indira Debi était la fille de Satyendranath Tagore, le second frère aîné de Tagore et le premier indien à être admis dans l’administration britannique de l’Inde. Avec lui Rabindranath se rendit en Angleterre à l’âge de 17 ans. Il y passa 17 mois à étudier la littérature à l’université de Londres On était en 1879. Les Fleurs du Mal avaient mis en émoi le monde littéraire. Rien ne prouve que Tagore ait lu Baudelaire mais il est tout à fait vraisemblable qu’un jeune homme de 17 ans, doué comme lui, capable de publier une critique sur Madhusudhan, Gœthe, Dante et Ovide, et avide d’approfondir sa connaissance de Shelley, Keats, Byron et Poe, ait eu vent, au moins en conversation, du poète Baudelaire. À cette époque, il discutait littérature avec son ami Loken Palit à propos de qui il écrit, « …dans la bibliothèque de l'université nous plaisantions et discutions littérature. Je ne voyais, en ce domaine, aucune immaturité dans mon jeune ami. » Après son retour au pays, son autre ami Priyanath Sen, dont Baudelaire était le poète favori, ne manqua vraisemblablement pas d’élargir ses connaissances baudelairiennes.
En 1882, Tagore publia son recueil ‘Sandhya Sangeet’ (Chansons du soir) où pour la première fois dans la littérature bengalie, on voit clairement l’apport de Baudelaire, avec son sens du spleen. Ainsi dans ‘Ashar Nairashya’ (Désespoir dans l’espoir) nous trouvons :
« Balo, asha, basi mor chite,
Aro dukkha haibe bahite,
Hridayer je pradesh hoyechhilo bhasmashe
Ar jare hatona sahite
Abar nutan pran peye
Seo puna thakibe dahite » ( s.3, v.1-6 )
( Espoir présent dans mon cœur, dis, faudra-t-il encore porter plus de douleur. Ce champ éteint des cendres du cœur dont je n’avais plus à souffrir se mettra à brûler de nouveau avec un regain d’ardeur.)...
Ce spleen baudelairien s’exprime encore dans les poèmes ‘Hridayer Gitidwani’ ( Mélodie du cœur ), ‘Santi Git’ (Chants de paix ), ‘Duhkha Abahan’ (Bienvenue à la douleur ), ‘Gan Samapan’ ( Fin de chanson ), ‘Parajoy Sangeet’ (Chants de défaite ), ‘Sangram Sangeet’( Chant de combat ).
Nous trouvons aussi beaucoup de poèmes où Tagore exprime des souvenirs intimes d’une manière baudelairienne tels que : ‘ Sandhya’ (Le Soir ), ‘Dudin’ (Deux jours), ‘Ami Hara’ ( Tout perdu ), ‘Upahar’ ( Le Cadeau ).
Il y a de plus une affinité remarquable entre l’ambiance du poème ‘Sandhya’ de Tagore et celle d’‘Harmonie du soir’ de Baudelaire :
« Aye sandhye,
Ananta akashtale basi ekakini,
Kesh elaiya —
Mridu mridu o ki katha kahis apan mane
Gan geye geye,
Nikhiler mukhapane cheye …»
( Sandhya :Le Soir; s.1, v.1-6 )
( Oh soir, comme une femme solitaire assise sous le vaste ciel, dénouant ta chevelure —que marmonnes-tu ainsi à voix basse, en chantant, les yeux fixés au ciel ).
Ces vers ne rappellent-ils pas :
« Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir,
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir,
Valse mélancolique et langoureux vertige !… »
( Harmonie du soir ; s.1,v.1-4 )...
Pour le critique Sreekumar Bandyopadhyay, la mélancolie de Tagore n’est pas la mélancolie universelle de convention des nouveaux poètes du ‘byronisme’ et du ‘wertherisme’. C’est un sentiment permanent du poète venant de son environnement social et psychologique qui le conduit vers l’idée baudelairienne de la mélancolie.
Après la mort de sa belle-sœur Kadambari Debi (19 avril,1884), Tagore exprime à nouveau une mélancolie très proche du spleen. C’est bien évident dans son recueil ‘Karhi O Komal’(Les Dièses et les Bémols,1886). Dans ‘Basanta Abasan’ (Fin de printemps) on trouve les vers suivants :
« Kakhan basanta gelo, ebar halona gan !
Kakhan bakul mul chheyechhilo jharaphul,
Kakhan je phulphota hoye gelo abasan !
Kakhan basanta gelo ebar holona gan ! » ( s.1,v.1-4 )
( Le printemps est bien passé et il n’y a pas eu de chants ! Les fleurs tombées du Bakul ont fini depuis longtemps d’en recouvrir les racines; les fleurs ont fini depuis longtemps de fleurir ! Le printemps est bien passé et il n’y a pas eu de chants ! )
Dans ‘Akangkha’ ( Désir ) même tristesse :
« Aji ke jenogo nai e probhate tai
Jiban biphal hoy go !
Tai charidike chay, mon kende gay—
E nahe e nahe, noy go ! »
( s.2, v.1-4 )
(Ce matin, qui manque donc pour rendre ainsi la vie vide de sens ! Il regarde de tous côtés, son cœur gémit, ce n’est pas elle, ce n’est pas elle, non vraiment pas elle !)...
Ici c’est le poète romantique mais la sensibilité baudelairienne avec l’audace de ‘Sandhya Sangeet’ est aussi présente dans d’autres poèmes. Ainsi les vers suivants :
« Milaner basanar majhe adhkhani chander bikash
Duti chumbaner chhoya chhuyi majhe jeno saramer has ! »
(Kshanik Milan : Union d’un instant, s.1, v.10-11 )
(Au cœur de notre désir d’union, monte une demi-lune et dans les baisers de nos lèvres un sourire pudique ).
Et encore :
« Phelogo basan phelo-ghuchao anchal.
Paro sudhu soundarjer nagna abaran
Suro balikar besh kiran basan. »
( Bibasana :Nue ; s.1,v.1-3)
(Laisse-là tes vêtements, écarte le pan de ton voile. Revêts-toi seulement de ta nudité, de ta beauté; les filles du soleil n’ont d’autre parure que leurs rayons).
Et enfin, ‘Bahu’ (Les Bras) :
« Kahare jarhate chahe duti bahulata,
Kahare kandiya bole ‘jeyona jeyona’.»
(s.1, v.1-2 )
(Qui désire-t-il étreindre dans ses bras? À qui dit-il tout en larmes : ne pars pas, ne pars pas). Ces vers nous rappellent Baudelaire :
« Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs! Ô toi, tous mes devoirs !
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
… … …
Que ton sein m’était doux! Que ton cœur m’était bon !
Nous avons dit souvent d’impérissables choses
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon. »
( Le Balcon : s.1, v.1-3 ;s.2,v.3-5 )
D’autres affinités sont perceptibles dans les poèmes ‘Smriti’ (Souvenir), ‘Deher Milan’ (L’union des corps), ‘Hriday-Asan’ (Place dans mon cœur ), ‘Jouban Swapna’ (Rêve de jeunesse ).
Le recueil suivant, ‘Manasi’ (Ma Dulcinée) est publié en 1890 . On y perçoit aussi des apports baudelairiens, des touches de spleen et d’obsession de l’exil :
« Eman karia kemane katibe
Madhabi rati ?
Dakhina batase keho nai pashe
Sather sathi !
Charidik hote banshi shona jay,
Sukhe achhe jara tara gangay —
Akul batase, madir subase,
Bikacha phule,
Ekhano ki kende chahibena kau
Asile bhule ?
( ‘Bhule’ : Par oubli; s.5, v.1-10)
(Cette belle nuit pourra-t-elle se passer ainsi? Aucun de mes amis n’est près de moi dans ce doux zéphire. Partout on joue de la flûte, les heureux chantent, l’air est plein de mélancolie, les parfums sont enivrants et les fleurs toute épanouies. Par mégarde, si quelqu’un arrive le poète ne le regardera-t-il pas les yeux en larmes !).
Ces vers nous rappellent les vers suivants de Baudelaire :
« J'ai souvent évoqué cette lune enchantée,
Ce silence et cette langueur,
Et cette confidence horrible chuchotée
Au confessionnal du cœur.»
(Confession ; s.1,v.37- 40 )
Nous trouvons le même genre d’émotion dans les poèmes ‘Akangkha’ (Désir), ‘Nisphal Kamana’ (Vain désir), ‘Maran Swapna’ (Mort rêvée),‘Sunya Grihe’ (Dans la maison vide), ‘Jiban Madhyanhna’ (Midi de la vie), ‘Bhairabi Gan’ (Air matinal), ‘Biday’( Au revoir ).
Quelques poèmes expriment l’aspect sensuel de l’amour comme : ‘Apeksha’(Attente), ‘Nababanga Dampatir Premalap’ (Un couple du nouveau Bengale se parle d’amour), ‘Ahalyar Prati’ (À Ahalya ,un caractère du Ramayana), ‘Barsar Din’ (Un jour de Pluie), ‘Sandhyay’ (Le soir). C’est la même audace que dans ‘Sandhya Sangeet’:
«Apurba rahasyamoyi murti bibasan,
Nabin saisabe snata sampurna jouban —
Purnasphuta puspa jatha shyampatra pute,
Saisabe joubane mishe uthiachhe phute
Ek brinte. Bismriti sagar nil nire
Pratham usar mato uthiyachho dhire »
(Ahalyar Prati : s.4,v.1-6)
(Une mystérieuse et extraordinaire silhouette, dévêtue, dans la verdeur de sa puberté infantile; fleur épanouie dans les mains vertes de ses feuilles, enfance et puberté ayant fleuri ensemble sur la même tige, ayant surgi comme la première aurore des eaux bleues d’un océan d’oubli )...
Ces vers nous rappellent :
« Que diras-tu ce soir , pauvre âme solitaire,
Que diras-tu mon cœur , cœur autrefois flétri,
À la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
Dont le regard divin t’a soudain refleuri ?
… … …
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son œil nous revêt d’un habit de clarté. »
(Que dira tu ce soir...s1,v1-4,s2,v3-4) ...
Dans ‘Lipika’ (Feuillets) on trouve quelques poèmes qui par leur ampleur, sont des ‘contes’ mais ont la saveur de poèmes par leur contenu, leur rythme et leur ambiance : ‘Aspasta’ (Obscur), ‘Namer Khela’ (Jeu de nom), ‘Pot’ (Toile), ‘Natun Putul’ (La nouvelle poupée), ‘Duyoranir Sadh’ (Désir de la reine disgraciée), ‘Minu’ (Nom affecteux de jeune fille), ‘Bhul Swarga’ (Erreur de ciel), ‘Upasanghar’ (Conclusion), ‘Parir Porichay’ (Présentation de fées), ‘Punarabritti’ (Répétition), ressemblent à ‘Une mort héroïque’, ‘Le Joueur généreux’, ‘La Corde’, ‘Les Tentations ou Eros, Plutus et la gloire’, ‘La belle Dorothée’, ‘Mademoiselle Bistouri’ de Baudelaire.
Il y a aussi quelques petits poèmes en prose dans ‘Le Spleen de Paris’, qui sont de véritables contes d’une part et d’autre part de véritables poèmes, c-à-d, ‘Le Confiteor de l’Artiste’, ‘Le Feu et la Vénus’, ‘Crépuscule du soir’, ‘L’Invitation au Voyage’, ‘Chacun sa chimère’, ‘Déjà’, ‘Les Veuves’, ‘Le Tir et le Cimetière’, ‘Les Yeux des pauvres’, ‘La Solitude’. Dans ‘Lipika’ (Feuillets) de Tagore des poèmes comme ‘Ghorha’ (Cheval), ‘Paye Chala Path’ (Sentier pour piétons), ‘Gali’ (Ruelle), ‘Pranaman’ (De cœur et d’âme), ‘Siddhi’ (Accomplissement) , ‘Kartar Bhut’ (Fantôme du maître), ‘Bidusasak’ (Bouffon) sont de même facture.
La publication de ‘Lipika’ (Feuillets) commença 60 ans après celle du ‘Spleen de Paris’. Nous ignorons si Tagore a lu le ‘Spleen de Paris’. Il avait pourtant, nous le répétons de l’intérêt pour Baudelaire à cause de son amitié avec Priyanath Sen et en tant que poète moderne de la littérature bengalie ayant subit autant pour la fond que pour la forme l’influence de Baudelaire, père du modernisme. Il écrit, «Ma pensée et mes œuvres portent les marques d’inspirations poétiques venues de partout, je le reconnais. Je leur ai donné place dans mes créations. Elles leur ont donné de la force, elle les ont nourries, mais n'ont affecté en rien leur expression naturelle ; changer cette expression équivaudrait non à de l'inspiration mais à du plagiat. »
Nous pouvons donc, semble-t-il, voir dans l’œuvre de Tagore les premières trace d’ influences baudelairiennes dans la littérature bengalie.
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Cet essai de 25 pages a 5251 mots et 11307 caractères ou l'équivalant de 15979 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Rabindranath Tagore, le roi des poètes du Bengale, né en 1861 avait hérité de l’esthétique sanskrite avec ses grandes épopées le Ramayana et le Mahabharata, ses grands poètes Kalidas ( Gœthe trouvait en lui l’union du Ciel et de la Terre, du vrai et du beau ), Joydev et les auteurs des ‘Padabali’ (Poèmes lyriques), de la renaissance bengalie avec Rammohan et ses successeurs, et d’un environnement familial exceptionnel où il subit l’influence des cultures indienne et européenne. Non seulement son frère Joytirindranath Tagore et son ami intime Priyanath Sen connaissaient la langue et littérature françaises mais les autres membres de la famille comme Ashutosh Chaudhuri, le mari de Pratibha Debi sa cousine, Pramathanath Chaudhuri et sa femme Indira Debi, savaient le français. Indira Debi était la fille de Satyendranath Tagore, le second frère aîné de Tagore et le premier indien à être admis dans l’administration britannique de l’Inde. Avec lui Rabindranath se rendit en Angleterre à l’âge de 17 ans. Il y passa 17 mois à étudier la littérature à l’université de Londres On était en 1879. Les Fleurs du Mal avaient mis en émoi le monde littéraire. Rien ne prouve que Tagore ait lu Baudelaire mais il est tout à fait vraisemblable qu’un jeune homme de 17 ans, doué comme lui, capable de publier une critique sur Madhusudhan, Gœthe, Dante et Ovide, et avide d’approfondir sa connaissance de Shelley, Keats, Byron et Poe, ait eu vent, au moins en conversation, du poète Baudelaire. À cette époque, il discutait littérature avec son ami Loken Palit à propos de qui il écrit, « …dans la bibliothèque de l'université nous plaisantions et discutions littérature. Je ne voyais, en ce domaine, aucune immaturité dans mon jeune ami. » Après son retour au pays, son autre ami Priyanath Sen, dont Baudelaire était le poète favori, ne manqua vraisemblablement pas d’élargir ses connaissances baudelairiennes.
En 1882, Tagore publia son recueil ‘Sandhya Sangeet’ (Chansons du soir) où pour la première fois dans la littérature bengalie, on voit clairement l’apport de Baudelaire, avec son sens du spleen. Ainsi dans ‘Ashar Nairashya’ (Désespoir dans l’espoir) nous trouvons :
« Balo, asha, basi mor chite,
Aro dukkha haibe bahite,
Hridayer je pradesh hoyechhilo bhasmashe
Ar jare hatona sahite
Abar nutan pran peye
Seo puna thakibe dahite » ( s.3, v.1-6 )
( Espoir présent dans mon cœur, dis, faudra-t-il encore porter plus de douleur. Ce champ éteint des cendres du cœur dont je n’avais plus à souffrir se mettra à brûler de nouveau avec un regain d’ardeur.)...
Ce spleen baudelairien s’exprime encore dans les poèmes ‘Hridayer Gitidwani’ ( Mélodie du cœur ), ‘Santi Git’ (Chants de paix ), ‘Duhkha Abahan’ (Bienvenue à la douleur ), ‘Gan Samapan’ ( Fin de chanson ), ‘Parajoy Sangeet’ (Chants de défaite ), ‘Sangram Sangeet’( Chant de combat ).
Nous trouvons aussi beaucoup de poèmes où Tagore exprime des souvenirs intimes d’une manière baudelairienne tels que : ‘ Sandhya’ (Le Soir ), ‘Dudin’ (Deux jours), ‘Ami Hara’ ( Tout perdu ), ‘Upahar’ ( Le Cadeau ).
Il y a de plus une affinité remarquable entre l’ambiance du poème ‘Sandhya’ de Tagore et celle d’‘Harmonie du soir’ de Baudelaire :
« Aye sandhye,
Ananta akashtale basi ekakini,
Kesh elaiya —
Mridu mridu o ki katha kahis apan mane
Gan geye geye,
Nikhiler mukhapane cheye …»
( Sandhya :Le Soir; s.1, v.1-6 )
( Oh soir, comme une femme solitaire assise sous le vaste ciel, dénouant ta chevelure —que marmonnes-tu ainsi à voix basse, en chantant, les yeux fixés au ciel ).
Ces vers ne rappellent-ils pas :
« Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir,
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir,
Valse mélancolique et langoureux vertige !… »
( Harmonie du soir ; s.1,v.1-4 )...
Pour le critique Sreekumar Bandyopadhyay, la mélancolie de Tagore n’est pas la mélancolie universelle de convention des nouveaux poètes du ‘byronisme’ et du ‘wertherisme’. C’est un sentiment permanent du poète venant de son environnement social et psychologique qui le conduit vers l’idée baudelairienne de la mélancolie.
Après la mort de sa belle-sœur Kadambari Debi (19 avril,1884), Tagore exprime à nouveau une mélancolie très proche du spleen. C’est bien évident dans son recueil ‘Karhi O Komal’(Les Dièses et les Bémols,1886). Dans ‘Basanta Abasan’ (Fin de printemps) on trouve les vers suivants :
« Kakhan basanta gelo, ebar halona gan !
Kakhan bakul mul chheyechhilo jharaphul,
Kakhan je phulphota hoye gelo abasan !
Kakhan basanta gelo ebar holona gan ! » ( s.1,v.1-4 )
( Le printemps est bien passé et il n’y a pas eu de chants ! Les fleurs tombées du Bakul ont fini depuis longtemps d’en recouvrir les racines; les fleurs ont fini depuis longtemps de fleurir ! Le printemps est bien passé et il n’y a pas eu de chants ! )
Dans ‘Akangkha’ ( Désir ) même tristesse :
« Aji ke jenogo nai e probhate tai
Jiban biphal hoy go !
Tai charidike chay, mon kende gay—
E nahe e nahe, noy go ! »
( s.2, v.1-4 )
(Ce matin, qui manque donc pour rendre ainsi la vie vide de sens ! Il regarde de tous côtés, son cœur gémit, ce n’est pas elle, ce n’est pas elle, non vraiment pas elle !)...
Ici c’est le poète romantique mais la sensibilité baudelairienne avec l’audace de ‘Sandhya Sangeet’ est aussi présente dans d’autres poèmes. Ainsi les vers suivants :
« Milaner basanar majhe adhkhani chander bikash
Duti chumbaner chhoya chhuyi majhe jeno saramer has ! »
(Kshanik Milan : Union d’un instant, s.1, v.10-11 )
(Au cœur de notre désir d’union, monte une demi-lune et dans les baisers de nos lèvres un sourire pudique ).
Et encore :
« Phelogo basan phelo-ghuchao anchal.
Paro sudhu soundarjer nagna abaran
Suro balikar besh kiran basan. »
( Bibasana :Nue ; s.1,v.1-3)
(Laisse-là tes vêtements, écarte le pan de ton voile. Revêts-toi seulement de ta nudité, de ta beauté; les filles du soleil n’ont d’autre parure que leurs rayons).
Et enfin, ‘Bahu’ (Les Bras) :
« Kahare jarhate chahe duti bahulata,
Kahare kandiya bole ‘jeyona jeyona’.»
(s.1, v.1-2 )
(Qui désire-t-il étreindre dans ses bras? À qui dit-il tout en larmes : ne pars pas, ne pars pas). Ces vers nous rappellent Baudelaire :
« Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs! Ô toi, tous mes devoirs !
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
… … …
Que ton sein m’était doux! Que ton cœur m’était bon !
Nous avons dit souvent d’impérissables choses
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon. »
( Le Balcon : s.1, v.1-3 ;s.2,v.3-5 )
D’autres affinités sont perceptibles dans les poèmes ‘Smriti’ (Souvenir), ‘Deher Milan’ (L’union des corps), ‘Hriday-Asan’ (Place dans mon cœur ), ‘Jouban Swapna’ (Rêve de jeunesse ).
Le recueil suivant, ‘Manasi’ (Ma Dulcinée) est publié en 1890 . On y perçoit aussi des apports baudelairiens, des touches de spleen et d’obsession de l’exil :
« Eman karia kemane katibe
Madhabi rati ?
Dakhina batase keho nai pashe
Sather sathi !
Charidik hote banshi shona jay,
Sukhe achhe jara tara gangay —
Akul batase, madir subase,
Bikacha phule,
Ekhano ki kende chahibena kau
Asile bhule ?
( ‘Bhule’ : Par oubli; s.5, v.1-10)
(Cette belle nuit pourra-t-elle se passer ainsi? Aucun de mes amis n’est près de moi dans ce doux zéphire. Partout on joue de la flûte, les heureux chantent, l’air est plein de mélancolie, les parfums sont enivrants et les fleurs toute épanouies. Par mégarde, si quelqu’un arrive le poète ne le regardera-t-il pas les yeux en larmes !).
Ces vers nous rappellent les vers suivants de Baudelaire :
« J'ai souvent évoqué cette lune enchantée,
Ce silence et cette langueur,
Et cette confidence horrible chuchotée
Au confessionnal du cœur.»
(Confession ; s.1,v.37- 40 )
Nous trouvons le même genre d’émotion dans les poèmes ‘Akangkha’ (Désir), ‘Nisphal Kamana’ (Vain désir), ‘Maran Swapna’ (Mort rêvée),‘Sunya Grihe’ (Dans la maison vide), ‘Jiban Madhyanhna’ (Midi de la vie), ‘Bhairabi Gan’ (Air matinal), ‘Biday’( Au revoir ).
Quelques poèmes expriment l’aspect sensuel de l’amour comme : ‘Apeksha’(Attente), ‘Nababanga Dampatir Premalap’ (Un couple du nouveau Bengale se parle d’amour), ‘Ahalyar Prati’ (À Ahalya ,un caractère du Ramayana), ‘Barsar Din’ (Un jour de Pluie), ‘Sandhyay’ (Le soir). C’est la même audace que dans ‘Sandhya Sangeet’:
«Apurba rahasyamoyi murti bibasan,
Nabin saisabe snata sampurna jouban —
Purnasphuta puspa jatha shyampatra pute,
Saisabe joubane mishe uthiachhe phute
Ek brinte. Bismriti sagar nil nire
Pratham usar mato uthiyachho dhire »
(Ahalyar Prati : s.4,v.1-6)
(Une mystérieuse et extraordinaire silhouette, dévêtue, dans la verdeur de sa puberté infantile; fleur épanouie dans les mains vertes de ses feuilles, enfance et puberté ayant fleuri ensemble sur la même tige, ayant surgi comme la première aurore des eaux bleues d’un océan d’oubli )...
Ces vers nous rappellent :
« Que diras-tu ce soir , pauvre âme solitaire,
Que diras-tu mon cœur , cœur autrefois flétri,
À la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
Dont le regard divin t’a soudain refleuri ?
… … …
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son œil nous revêt d’un habit de clarté. »
(Que dira tu ce soir...s1,v1-4,s2,v3-4) ...
Dans ‘Lipika’ (Feuillets) on trouve quelques poèmes qui par leur ampleur, sont des ‘contes’ mais ont la saveur de poèmes par leur contenu, leur rythme et leur ambiance : ‘Aspasta’ (Obscur), ‘Namer Khela’ (Jeu de nom), ‘Pot’ (Toile), ‘Natun Putul’ (La nouvelle poupée), ‘Duyoranir Sadh’ (Désir de la reine disgraciée), ‘Minu’ (Nom affecteux de jeune fille), ‘Bhul Swarga’ (Erreur de ciel), ‘Upasanghar’ (Conclusion), ‘Parir Porichay’ (Présentation de fées), ‘Punarabritti’ (Répétition), ressemblent à ‘Une mort héroïque’, ‘Le Joueur généreux’, ‘La Corde’, ‘Les Tentations ou Eros, Plutus et la gloire’, ‘La belle Dorothée’, ‘Mademoiselle Bistouri’ de Baudelaire.
Il y a aussi quelques petits poèmes en prose dans ‘Le Spleen de Paris’, qui sont de véritables contes d’une part et d’autre part de véritables poèmes, c-à-d, ‘Le Confiteor de l’Artiste’, ‘Le Feu et la Vénus’, ‘Crépuscule du soir’, ‘L’Invitation au Voyage’, ‘Chacun sa chimère’, ‘Déjà’, ‘Les Veuves’, ‘Le Tir et le Cimetière’, ‘Les Yeux des pauvres’, ‘La Solitude’. Dans ‘Lipika’ (Feuillets) de Tagore des poèmes comme ‘Ghorha’ (Cheval), ‘Paye Chala Path’ (Sentier pour piétons), ‘Gali’ (Ruelle), ‘Pranaman’ (De cœur et d’âme), ‘Siddhi’ (Accomplissement) , ‘Kartar Bhut’ (Fantôme du maître), ‘Bidusasak’ (Bouffon) sont de même facture.
La publication de ‘Lipika’ (Feuillets) commença 60 ans après celle du ‘Spleen de Paris’. Nous ignorons si Tagore a lu le ‘Spleen de Paris’. Il avait pourtant, nous le répétons de l’intérêt pour Baudelaire à cause de son amitié avec Priyanath Sen et en tant que poète moderne de la littérature bengalie ayant subit autant pour la fond que pour la forme l’influence de Baudelaire, père du modernisme. Il écrit, «Ma pensée et mes œuvres portent les marques d’inspirations poétiques venues de partout, je le reconnais. Je leur ai donné place dans mes créations. Elles leur ont donné de la force, elle les ont nourries, mais n'ont affecté en rien leur expression naturelle ; changer cette expression équivaudrait non à de l'inspiration mais à du plagiat. »
Nous pouvons donc, semble-t-il, voir dans l’œuvre de Tagore les premières trace d’ influences baudelairiennes dans la littérature bengalie.
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Cet essai de 25 pages a 5251 mots et 11307 caractères ou l'équivalant de 15979 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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LE PHILOSOPHE DE LA MODERNITÉ
Mohitlal Majumdar
Mohitlal Majumdar (1888 – 1952) poète, essayiste, critique et traducteur célèbre au Bengale, fût professeur d’anglais dans des écoles de Calcutta, puis de langue et littérature bengalies à l’université de Dhaka en 1935. Mais avant tout il fut le poète bengali qui établit la modernité de la littérature bengalie sur des bases fermes. Selon Dipti Tripathi, une critique célèbre, Mohitlal avait été reconnu par les jeunes poètes modernes comme leur Gourou à cause des caracteristics suivantes de son œuvre :
i) sa nouveauté, libérée des influences tagoriennes ;
ii) enrichie par sa connaissance de la littérature européenne, qui l’amena à introduire le baudelairisme et l’hermétisme dans la littérature bengalie ;
iii) son rejet du spirituel ;
iv) sa philosophie matérialiste ;
v) son adaptation du rationalisme et du factualisme de la prose à la langue courante ;
vi) son sens historique ;
vii) son antiromantisme ;
viii) sa sensualité, son érotisme ;
ix) son sens de l’horrible, de la démesure, de l’abominable, du monstrueux.
Le poète-révolté Mohitlal écrivit d’abord dans la revue ‘Kallol’ (Vague) puis dans ‘Sanibarer Chithi’ (Lettre du samedi), après son désaccord avec la modernité excessive des jeunes écrivains de Kallol. Mais son caractère révolté ne lui laissa pas de repos pour autant. Ses œuvres poétiques sont : ‘Swapan Pasari’ (Vendeur de rêves, 1992), ‘Biswarani’ (Celui qui oublie, 1923 ), ‘Smaragaral’ (Venin du souvenir,1936 ), ‘Hemanta Godhuli’ (Crépuscule de fin de saison,1941 ) et ‘Chhanda Chaturdashi’ (Strophes de 14 vers,1944 ). Dans ‘Hemanta Godhuli’, Mohitlal publia ses traductions de poèmes étrangers avec ses propres poèmes. Nous y trouvons la traduction de ‘Harmonie du soir’ des Fleurs du Mal (voir page 15 ).
Comme pionnier des poètes modernes au Bengale, il est pris du désir intense de jouir de la vie et de savourer les voluptés de la chair. Il est obsédé comme Baudelaire par l’idée du péché originel et des rêves de beauté :
« Sristimule achhe kam, sai kam durjoy durbar!
Jupabaddha pashu ami! —heritechhi mrityur kharpar
Tapta shoniter dhare? na, na, se je madhur utsar !
Dui hate shunya kari purna sai madhuchakra prati purnimay. »
( Pantha : Le voyageur; s.23,v.4-7 )
(La concupiscence (libido) est à l’origine de la création, elle est irrésistible, invincible. Suis-je une bête de sacrifice! Ai-je rempli la coupe de la mort avec les flots d’un sang chaud ? Non, non, quel doux jaillissement! De mes deux mains je vide ces gâteaux remplis du miel de chaque pleine lune).
« Jar guru urutate ekada purnima nishi
Parayechhe charu chandra har
Saraye sithil nibi, badhu jabe sangahara
Adarer madhur lagane, —
Sai mor paraneshwari aj more chinilona! »
( Rup-Moha : Sous l’emprise du beau; s.2, v.17-21)
(Une nuit de pleine lune, un jour, entoura son immense cuisse d’un collier en forme de croissant. Inconsciente, dans un doux moment d’étreinte, la jeune épouse dénoue le nœud de sa taille — cette déesse de mon cœur aujourd’hui ne me connaît plus).
Comme Baudelaire, Mohitlal Majumdar est antiromantique d’une part et classique d ‘autre par part la forme et les rimes de ses poèmes ; par ailleurs en révolte contre la tradition, il est aussi tout-à-fait moderne, le porte-flambeau des idées baudelairiennes.
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Pour publier cet essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Mohitlal Majumdar (1888 – 1952) poète, essayiste, critique et traducteur célèbre au Bengale, fût professeur d’anglais dans des écoles de Calcutta, puis de langue et littérature bengalies à l’université de Dhaka en 1935. Mais avant tout il fut le poète bengali qui établit la modernité de la littérature bengalie sur des bases fermes. Selon Dipti Tripathi, une critique célèbre, Mohitlal avait été reconnu par les jeunes poètes modernes comme leur Gourou à cause des caracteristics suivantes de son œuvre :
i) sa nouveauté, libérée des influences tagoriennes ;
ii) enrichie par sa connaissance de la littérature européenne, qui l’amena à introduire le baudelairisme et l’hermétisme dans la littérature bengalie ;
iii) son rejet du spirituel ;
iv) sa philosophie matérialiste ;
v) son adaptation du rationalisme et du factualisme de la prose à la langue courante ;
vi) son sens historique ;
vii) son antiromantisme ;
viii) sa sensualité, son érotisme ;
ix) son sens de l’horrible, de la démesure, de l’abominable, du monstrueux.
Le poète-révolté Mohitlal écrivit d’abord dans la revue ‘Kallol’ (Vague) puis dans ‘Sanibarer Chithi’ (Lettre du samedi), après son désaccord avec la modernité excessive des jeunes écrivains de Kallol. Mais son caractère révolté ne lui laissa pas de repos pour autant. Ses œuvres poétiques sont : ‘Swapan Pasari’ (Vendeur de rêves, 1992), ‘Biswarani’ (Celui qui oublie, 1923 ), ‘Smaragaral’ (Venin du souvenir,1936 ), ‘Hemanta Godhuli’ (Crépuscule de fin de saison,1941 ) et ‘Chhanda Chaturdashi’ (Strophes de 14 vers,1944 ). Dans ‘Hemanta Godhuli’, Mohitlal publia ses traductions de poèmes étrangers avec ses propres poèmes. Nous y trouvons la traduction de ‘Harmonie du soir’ des Fleurs du Mal (voir page 15 ).
Comme pionnier des poètes modernes au Bengale, il est pris du désir intense de jouir de la vie et de savourer les voluptés de la chair. Il est obsédé comme Baudelaire par l’idée du péché originel et des rêves de beauté :
« Sristimule achhe kam, sai kam durjoy durbar!
Jupabaddha pashu ami! —heritechhi mrityur kharpar
Tapta shoniter dhare? na, na, se je madhur utsar !
Dui hate shunya kari purna sai madhuchakra prati purnimay. »
( Pantha : Le voyageur; s.23,v.4-7 )
(La concupiscence (libido) est à l’origine de la création, elle est irrésistible, invincible. Suis-je une bête de sacrifice! Ai-je rempli la coupe de la mort avec les flots d’un sang chaud ? Non, non, quel doux jaillissement! De mes deux mains je vide ces gâteaux remplis du miel de chaque pleine lune).
« Jar guru urutate ekada purnima nishi
Parayechhe charu chandra har
Saraye sithil nibi, badhu jabe sangahara
Adarer madhur lagane, —
Sai mor paraneshwari aj more chinilona! »
( Rup-Moha : Sous l’emprise du beau; s.2, v.17-21)
(Une nuit de pleine lune, un jour, entoura son immense cuisse d’un collier en forme de croissant. Inconsciente, dans un doux moment d’étreinte, la jeune épouse dénoue le nœud de sa taille — cette déesse de mon cœur aujourd’hui ne me connaît plus).
Comme Baudelaire, Mohitlal Majumdar est antiromantique d’une part et classique d ‘autre par part la forme et les rimes de ses poèmes ; par ailleurs en révolte contre la tradition, il est aussi tout-à-fait moderne, le porte-flambeau des idées baudelairiennes.
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LE PESSIMISME EN POÉSIE
Jatindranath Sengupta
Jatindranath Sengupta (1887-1954), ingénieur-poète, est célèbre pour son pessimisme dont la source d’une part se trouve dans le conflit qu’il ressent entre son génie poétique et sa profession d’ingénieur et d’autre part dans la situation économique et politique du Bengale de l’époque, car il est vrai que sa phase créatrice (de 1920 à 1948 ) correspond à des années turbulentes du Bengale, mais la source principale de son pessimisme est ailleurs. Dans une lettre à son ami Bholanath Mukhopadhyay, il écrit, « L’histoire de ma famille ne me fournit aucune matière propre à la création de poèmes originaux. J’ai commencé ma carrière poétique à un âge avancé, alors que notre amitié était devenue fort profonde. » C’est à cette époque que Jatindranath commença avec son ami, a lire Shakespeare, Eliot etc. Et c’est ici que se trouve la source véritable de son pessimisme. Il publia ses poèmes et essais dans les revues ‘Kallol’ (Vagues), ‘Sabuj Patra’ (Feuille Verte), ‘Sanibarer Chithi’ (Lettre du samedi), ‘Upasana’ (Adoration), ‘Banga Darshan’ (Vue du Bengale). Il fréquentait également chaque dimanche le ‘Rasachakra’ (Cercle esthétique), un salon littéraire, dans la maison du célèbre poète Kalidas Roy à Calcutta. Tous ces éléments ont contribué au développement de son génie poétique. Une autre source de son pessimisme (‘spleen’) poétique est la mauvaise santé du poète comme pour Baudelaire et la douleur que lui causa la mort en bas âge de trois de ses fils.
D’après Mohitlal Majumdar, « Jatindranath a donné à son œuvre et sa vie une couleur de sang, parce que ses invectives ne sont pas celles d’un ascète indifférent au monde mais celles d’un amant, d’un amour-propre profondément blessé. » Kalidas Roy écrit : «C’était un poète tout à fait à part dans le monde poétique bengali. Il n’est comparable à aucun poète bengali par le rythme, la langue, l’angle de vue, les idées. Personne n’arrive à sa cheville. Il n’imite personne et personne n’a eu le pouvoir de l’imiter. »
Jatindranath publia cinq recueils de poèmes : ‘Marichika’ (Mirage,1923), ‘Marushikha’ (Flamme de désert, 1927), ‘Marumaya’ (Illusion de désert, 1930), ‘Sayam’ (Soir, 1941), ‘Trijama’ (Nuit, 1948).Trois ans après sa mort fut publié, ‘Nisantika’ (Fin de la nuit,1957).
On trouve dans Jatindranath une personnalité moderne qui va à l’en contre du romantisme de Tagore :
« Aj bhabitechhi tai—
Sakal jwalar sab diptir parimam shudhu chhai !
Milan biraha bhab O abhab jog biyoger kaj,
Theme giye jabe e biswa hobe bhasmer mahataj. »
(Banhi Struti : Hymne au feu ; s.1,v.23- 26)
(Aujourd’hui voici ce que j’avais pensé — toutes les splendeurs se terminent en cendres! Union et séparation, sentiments et insensibilité, actes d’addition et de soustraction, quand l’univers s’arrêtant ne sera plus qu’un amas de cendres)
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Cet essai de 8 pages a 1654 mots et 8472 caractères ou l'équivalant de 11878 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Jatindranath Sengupta (1887-1954), ingénieur-poète, est célèbre pour son pessimisme dont la source d’une part se trouve dans le conflit qu’il ressent entre son génie poétique et sa profession d’ingénieur et d’autre part dans la situation économique et politique du Bengale de l’époque, car il est vrai que sa phase créatrice (de 1920 à 1948 ) correspond à des années turbulentes du Bengale, mais la source principale de son pessimisme est ailleurs. Dans une lettre à son ami Bholanath Mukhopadhyay, il écrit, « L’histoire de ma famille ne me fournit aucune matière propre à la création de poèmes originaux. J’ai commencé ma carrière poétique à un âge avancé, alors que notre amitié était devenue fort profonde. » C’est à cette époque que Jatindranath commença avec son ami, a lire Shakespeare, Eliot etc. Et c’est ici que se trouve la source véritable de son pessimisme. Il publia ses poèmes et essais dans les revues ‘Kallol’ (Vagues), ‘Sabuj Patra’ (Feuille Verte), ‘Sanibarer Chithi’ (Lettre du samedi), ‘Upasana’ (Adoration), ‘Banga Darshan’ (Vue du Bengale). Il fréquentait également chaque dimanche le ‘Rasachakra’ (Cercle esthétique), un salon littéraire, dans la maison du célèbre poète Kalidas Roy à Calcutta. Tous ces éléments ont contribué au développement de son génie poétique. Une autre source de son pessimisme (‘spleen’) poétique est la mauvaise santé du poète comme pour Baudelaire et la douleur que lui causa la mort en bas âge de trois de ses fils.
D’après Mohitlal Majumdar, « Jatindranath a donné à son œuvre et sa vie une couleur de sang, parce que ses invectives ne sont pas celles d’un ascète indifférent au monde mais celles d’un amant, d’un amour-propre profondément blessé. » Kalidas Roy écrit : «C’était un poète tout à fait à part dans le monde poétique bengali. Il n’est comparable à aucun poète bengali par le rythme, la langue, l’angle de vue, les idées. Personne n’arrive à sa cheville. Il n’imite personne et personne n’a eu le pouvoir de l’imiter. »
Jatindranath publia cinq recueils de poèmes : ‘Marichika’ (Mirage,1923), ‘Marushikha’ (Flamme de désert, 1927), ‘Marumaya’ (Illusion de désert, 1930), ‘Sayam’ (Soir, 1941), ‘Trijama’ (Nuit, 1948).Trois ans après sa mort fut publié, ‘Nisantika’ (Fin de la nuit,1957).
On trouve dans Jatindranath une personnalité moderne qui va à l’en contre du romantisme de Tagore :
« Aj bhabitechhi tai—
Sakal jwalar sab diptir parimam shudhu chhai !
Milan biraha bhab O abhab jog biyoger kaj,
Theme giye jabe e biswa hobe bhasmer mahataj. »
(Banhi Struti : Hymne au feu ; s.1,v.23- 26)
(Aujourd’hui voici ce que j’avais pensé — toutes les splendeurs se terminent en cendres! Union et séparation, sentiments et insensibilité, actes d’addition et de soustraction, quand l’univers s’arrêtant ne sera plus qu’un amas de cendres)
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Cet essai de 8 pages a 1654 mots et 8472 caractères ou l'équivalant de 11878 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Friday, June 10, 2005
INSPIRATION NOUVELLE
INSPIRATION NOUVELLE
Amiya Chakraborty
Le poète Amiya Chakraborty (1901-86) eut une carrière internationale. Il naquit à Serampore dans le district de l’Hoogly en 1901 et passa son enfance à Gouripur en Assam au milieu d’une nature luxuriante. Après la mort de son frère aîné, il passa quelques années à Calcutta. En 1921, il enseigna à Santiniketan où Tagore avait fondé une école résidentielle et il y devint bientôt son adjoint littéraire. Il obtint sa licence en anglais à l’université de Patna en 1927. La même année il maria Mlle Hjordis Siggard, une danoise préceptrice de Nandita, la petite fille de Tagore. En 1933, il fût nommé professeur à Buckingham en Angleterre. En 1937, il obtint son doctorat à Oxford pour sa thèse sur la poésie de Thomas Hardy. De 1940 à 1948 il enseigna dans les universités de Harvard, Boston, New York, Melbourne, Madras, Punjab, Lahore, Patiala et Viswabharati à Bolpur, Santiniketan.
Son recueil ‘Ghare Ferar Din’ (Jour de retour chez moi) lui valut le prix de l’Académie indienne de littérature en 1964 ; la médaille ‘Albert Schweitzer’ en 1961; le Prix ‘Dwesikottam’ (‘Excellence nationale’) à Viswabharati en 1963, etc..
Il publia un premier recueil ‘Kabitabali’ (Poèmes) en 1924 et ‘Upahar’(Cadeau) en 1927, œuvres de peu d’importance. Son troisième recueil ‘Khasrha’ (Ébauche) en 1938 le rendit célèbre comme poète bengali moderne. Ses autres œuvres poétiques sont ‘Ek Mutho’ (Une poignée,1939), ‘Matir Dewal’ (Mur de terre, 1941), ‘Abhijnan Basanta’ (Un Printemps mémorable, 1943), ‘Durjani’ ( De plus en plus loin, 1944), ‘Parapar’ (Navette,1953), ‘Palabadal’ (A tour de rôle, 1955), ‘Ghare Ferar Din’ (Jour de retour à la maison, 1959), ‘Harano Arkid’ (Orchidée perdue,1966), ‘Puspita Image’ ( Image en fleur, 1967), ‘Amarabati’ (Le Séjour des immortels, 1972) et enfin ‘Anishes’ (Sans fin). En plus, on lui doit deux recueils de contes en bengali, neuf collections d’essais, des traductions de Tagore, de nombreux essais de tout genre en bengali surtout dans les revues ‘Prabasi’ (Les Immigrés) et ‘ Bichitra’ (Variétés).
Ayant fréquenté longtemps Tagore, il ne put jamais se défaire tout à fait du romantisme humaniste dont il avait été imprégné en sa compagnie. Dans une entrevue avec Mme Sumita Chakraborty, professeur de l’université de Burdwan en 1978, il avouait que, en plus de Tagore, il avait subit l’influence de Yeats, Eliot, Ezra Pound et Frost. Par eux, indirectement, il subit l’influence de Baudelaire de même que comme compagnon de Buddhadev Basu et comme poète et critique de sa revue ‘Kabita’(Poésie). Les affinités avec Baudelaire ne manqueront donc pas dans ses œuvres.
Avec son dégoût et sa morosité par exemple :
« Chong. Kalo chhalchhale tal ; upare chakti sunya-ronga,
Iter fatal lal jabaful sanotal pitaler
ghati bati ranga
Gamchha. Ganyer batchhaye
Kath kande kak thonte ghyan ghyane darhi, jay boye
Grismer kanna : Unaner ranna gharar jal, ong,
Chun-surkir bhanga chong. »
(Kuyo Tala : Aux abords du puits; s.1,v.1 –7 )
(Un fût! Une surface noire et mouvante, en haut une poulie décolorée, les crevasses des briques, les Santals avec leurs anémones rouges et leurs pots de cuivres luisants, leurs ossatures. A l’ombre du banian du village, le bois gémit, le bec des corbeaux, le bruit irritant de la corde, les sanglots de l’été qui s’en vont, la cuisson sur le feu, l’eau pour la maisonnée, ce tout, un fût brisé de chaux et de cendres).
Amiya Chakraborty est sans doute, parmi les poètes modernes bengalis celui qui est le plus proche de Baudelaire, malgré la dette importante dont il est redevable à la philosophie orientale.
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Cet essai de 9 pages a 1877 mots et 9655 caractères ou l'équivalant de 13845 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Amiya Chakraborty
Le poète Amiya Chakraborty (1901-86) eut une carrière internationale. Il naquit à Serampore dans le district de l’Hoogly en 1901 et passa son enfance à Gouripur en Assam au milieu d’une nature luxuriante. Après la mort de son frère aîné, il passa quelques années à Calcutta. En 1921, il enseigna à Santiniketan où Tagore avait fondé une école résidentielle et il y devint bientôt son adjoint littéraire. Il obtint sa licence en anglais à l’université de Patna en 1927. La même année il maria Mlle Hjordis Siggard, une danoise préceptrice de Nandita, la petite fille de Tagore. En 1933, il fût nommé professeur à Buckingham en Angleterre. En 1937, il obtint son doctorat à Oxford pour sa thèse sur la poésie de Thomas Hardy. De 1940 à 1948 il enseigna dans les universités de Harvard, Boston, New York, Melbourne, Madras, Punjab, Lahore, Patiala et Viswabharati à Bolpur, Santiniketan.
Son recueil ‘Ghare Ferar Din’ (Jour de retour chez moi) lui valut le prix de l’Académie indienne de littérature en 1964 ; la médaille ‘Albert Schweitzer’ en 1961; le Prix ‘Dwesikottam’ (‘Excellence nationale’) à Viswabharati en 1963, etc..
Il publia un premier recueil ‘Kabitabali’ (Poèmes) en 1924 et ‘Upahar’(Cadeau) en 1927, œuvres de peu d’importance. Son troisième recueil ‘Khasrha’ (Ébauche) en 1938 le rendit célèbre comme poète bengali moderne. Ses autres œuvres poétiques sont ‘Ek Mutho’ (Une poignée,1939), ‘Matir Dewal’ (Mur de terre, 1941), ‘Abhijnan Basanta’ (Un Printemps mémorable, 1943), ‘Durjani’ ( De plus en plus loin, 1944), ‘Parapar’ (Navette,1953), ‘Palabadal’ (A tour de rôle, 1955), ‘Ghare Ferar Din’ (Jour de retour à la maison, 1959), ‘Harano Arkid’ (Orchidée perdue,1966), ‘Puspita Image’ ( Image en fleur, 1967), ‘Amarabati’ (Le Séjour des immortels, 1972) et enfin ‘Anishes’ (Sans fin). En plus, on lui doit deux recueils de contes en bengali, neuf collections d’essais, des traductions de Tagore, de nombreux essais de tout genre en bengali surtout dans les revues ‘Prabasi’ (Les Immigrés) et ‘ Bichitra’ (Variétés).
Ayant fréquenté longtemps Tagore, il ne put jamais se défaire tout à fait du romantisme humaniste dont il avait été imprégné en sa compagnie. Dans une entrevue avec Mme Sumita Chakraborty, professeur de l’université de Burdwan en 1978, il avouait que, en plus de Tagore, il avait subit l’influence de Yeats, Eliot, Ezra Pound et Frost. Par eux, indirectement, il subit l’influence de Baudelaire de même que comme compagnon de Buddhadev Basu et comme poète et critique de sa revue ‘Kabita’(Poésie). Les affinités avec Baudelaire ne manqueront donc pas dans ses œuvres.
Avec son dégoût et sa morosité par exemple :
« Chong. Kalo chhalchhale tal ; upare chakti sunya-ronga,
Iter fatal lal jabaful sanotal pitaler
ghati bati ranga
Gamchha. Ganyer batchhaye
Kath kande kak thonte ghyan ghyane darhi, jay boye
Grismer kanna : Unaner ranna gharar jal, ong,
Chun-surkir bhanga chong. »
(Kuyo Tala : Aux abords du puits; s.1,v.1 –7 )
(Un fût! Une surface noire et mouvante, en haut une poulie décolorée, les crevasses des briques, les Santals avec leurs anémones rouges et leurs pots de cuivres luisants, leurs ossatures. A l’ombre du banian du village, le bois gémit, le bec des corbeaux, le bruit irritant de la corde, les sanglots de l’été qui s’en vont, la cuisson sur le feu, l’eau pour la maisonnée, ce tout, un fût brisé de chaux et de cendres).
Amiya Chakraborty est sans doute, parmi les poètes modernes bengalis celui qui est le plus proche de Baudelaire, malgré la dette importante dont il est redevable à la philosophie orientale.
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LE POÈTE D'UN AUTRE MONDE
Jibanananda Das
Jibanananda Das (1899- 1954), un des grands poètes modernes du Bengale, naquit à Barishal dans le Pakistan oriental, à présent Bangladesh. Il obtint une licence en littérature anglaise à l’Université de Calcutta, en 1919. Professeur d’anglais, il enseigna dans plusieurs facultés universitaires : ‘City College’ (1992), Calcutta, ‘Bagerhat College’ (1929), Khulna, Bangladesh, ‘Ramjosh College’ (1929) Delhi, ‘Brojomohan College’ (1935), Barishal, Bangladesh, ‘Kharagpur College’ (1951), Midnapur,W.B., ‘Barisha College’ (1952), Calcutta et ‘Howrah Girls’ College’ (1953).
En 1925, il publia des poèmes dans les revues ‘Bangabani’ (Voix du Bengale), ‘Prabasi’ (Citoyen étranger), ‘Bijali’ (Éclair). En 1926 il publia dans ‘Kallol’ (Vague) et l’année suivante dans les revues ‘Kali-Kalam’ (Encre et plume) et ‘Porichay’ (Présentation). En 1931, ‘Porichay’ (vol.1, no.3) publie son poème ‘Kyampe’ (Au camp) qui suscita une controverse entre les intellectuels du Bengale en raison du son obscénité. Dès son premier numéro, la revue ‘Kabita’ (Poésie) lui fut associée jusque sa mort.
En 1927, il publia son premier livre ‘Jhara Palak’ (Plumes perdues), et puis ‘Dhusar Pandulipi’ (Parchemins jaunâtres,1936), ‘Banalata Sen’ (La jeune Banalata Sen, 1942), ‘Maha Prithibi’ (L’Immense univers,1944), ‘Satti Tarar Timir’ (La Nuit aux sept étoiles,1948). En 1952, il réédita, en y ajoutant plusieurs poèmes, ‘Banalata Sen’ et en 1954 publia ‘Srestha Kabita’(Poèmes choisis). Après sa mort ‘Rupasi Bangla’ (Bengale ma belle) vit le jour. On lui doit aussi quelques romans et nouvelles.
Jibanananda Das subit l’influence de la littérature anglaise et en particulier celle des poètes Yeats, Poe, et Eliot. Nous ne trouvons en lui aucune évidence d’une connaissance du français, mais Baudelaire ne lui est pas inconnu. Les œuvres de T. S. Eliot, celles de Mohitlal Majumdar et de son ami Buddhadev Bose, un article de Nalini Kanta Gupta sans doute aussi, le lui avaient fait connaître.
C’est pourquoi après la mort du poète, le Père Pierre Fallon s, j. écrivit les lignes suivantes : « La lecture du poème ‘Banalata Sen’ fait penser au poète Baudelaire, le grand poète précurseur des symbolistes. Il se servit de l’obscurité du symbole pour transformer les sentiments romantiques en une mélancolie pleine de gravité exprimée en un langage parfait. Ce même ennui, cette même gravité, ce même bonheur dans l’expression se retrouvent dans beaucoup de poèmes de Jibanananda Das. » (Charti Kabita : Quatre poèmes), Usa (L’Aurore,nov’1954). On pourrait trouver des traits semblables dans d’autres de ses recueils. Une influence indirecte de Baudelaire sur ses œuvres est indéniable.
Le même désenchantement, la même mélancolie, le même ennui baudelairiens se retrouvent dans les poèmes de Jibanananda Das ayant trait à l’amour : « Bhalobese dekhiyachhi meyemanusere
Abahela kore ami dekhiyachhi meyemanusere,
Ghrina kore dekhiyachhi meyemanusere,
Amare se bhalobasiyachhe
Asiachhe kachhe,
Upeksha se karechhe amare,
Ghrina kore chale gechhe —jakhan dekechhi bare bare
Bhalobese tare ; »
(Bodh :Sentiment ;s.4,v.28-30 ;s.5,v.1-5)
(J’ai regardé les femmes avec amour, je les ai regardées avec mépris, je les ai regardées avec dégoût ; elles m’ont aimé, sont venues près de moi, m’ont dédaigné, elles m’ont quitté pleines de dégoût, sans se soucier de mes appels répétés, aimants).
...
Pour conclure, il n’est pas erroné d’affirmer que la popularité dont jouit Jibanananda parmi les intellectuels et les lecteurs de ses poèmes, aida à la diffusion du baudelairisme au Bengale des années trente.
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Cet essai de 11 pages a 2114 mots et 10976 caractères ou l'équivalant de 15770 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Jibanananda Das (1899- 1954), un des grands poètes modernes du Bengale, naquit à Barishal dans le Pakistan oriental, à présent Bangladesh. Il obtint une licence en littérature anglaise à l’Université de Calcutta, en 1919. Professeur d’anglais, il enseigna dans plusieurs facultés universitaires : ‘City College’ (1992), Calcutta, ‘Bagerhat College’ (1929), Khulna, Bangladesh, ‘Ramjosh College’ (1929) Delhi, ‘Brojomohan College’ (1935), Barishal, Bangladesh, ‘Kharagpur College’ (1951), Midnapur,W.B., ‘Barisha College’ (1952), Calcutta et ‘Howrah Girls’ College’ (1953).
En 1925, il publia des poèmes dans les revues ‘Bangabani’ (Voix du Bengale), ‘Prabasi’ (Citoyen étranger), ‘Bijali’ (Éclair). En 1926 il publia dans ‘Kallol’ (Vague) et l’année suivante dans les revues ‘Kali-Kalam’ (Encre et plume) et ‘Porichay’ (Présentation). En 1931, ‘Porichay’ (vol.1, no.3) publie son poème ‘Kyampe’ (Au camp) qui suscita une controverse entre les intellectuels du Bengale en raison du son obscénité. Dès son premier numéro, la revue ‘Kabita’ (Poésie) lui fut associée jusque sa mort.
En 1927, il publia son premier livre ‘Jhara Palak’ (Plumes perdues), et puis ‘Dhusar Pandulipi’ (Parchemins jaunâtres,1936), ‘Banalata Sen’ (La jeune Banalata Sen, 1942), ‘Maha Prithibi’ (L’Immense univers,1944), ‘Satti Tarar Timir’ (La Nuit aux sept étoiles,1948). En 1952, il réédita, en y ajoutant plusieurs poèmes, ‘Banalata Sen’ et en 1954 publia ‘Srestha Kabita’(Poèmes choisis). Après sa mort ‘Rupasi Bangla’ (Bengale ma belle) vit le jour. On lui doit aussi quelques romans et nouvelles.
Jibanananda Das subit l’influence de la littérature anglaise et en particulier celle des poètes Yeats, Poe, et Eliot. Nous ne trouvons en lui aucune évidence d’une connaissance du français, mais Baudelaire ne lui est pas inconnu. Les œuvres de T. S. Eliot, celles de Mohitlal Majumdar et de son ami Buddhadev Bose, un article de Nalini Kanta Gupta sans doute aussi, le lui avaient fait connaître.
C’est pourquoi après la mort du poète, le Père Pierre Fallon s, j. écrivit les lignes suivantes : « La lecture du poème ‘Banalata Sen’ fait penser au poète Baudelaire, le grand poète précurseur des symbolistes. Il se servit de l’obscurité du symbole pour transformer les sentiments romantiques en une mélancolie pleine de gravité exprimée en un langage parfait. Ce même ennui, cette même gravité, ce même bonheur dans l’expression se retrouvent dans beaucoup de poèmes de Jibanananda Das. » (Charti Kabita : Quatre poèmes), Usa (L’Aurore,nov’1954). On pourrait trouver des traits semblables dans d’autres de ses recueils. Une influence indirecte de Baudelaire sur ses œuvres est indéniable.
Le même désenchantement, la même mélancolie, le même ennui baudelairiens se retrouvent dans les poèmes de Jibanananda Das ayant trait à l’amour : « Bhalobese dekhiyachhi meyemanusere
Abahela kore ami dekhiyachhi meyemanusere,
Ghrina kore dekhiyachhi meyemanusere,
Amare se bhalobasiyachhe
Asiachhe kachhe,
Upeksha se karechhe amare,
Ghrina kore chale gechhe —jakhan dekechhi bare bare
Bhalobese tare ; »
(Bodh :Sentiment ;s.4,v.28-30 ;s.5,v.1-5)
(J’ai regardé les femmes avec amour, je les ai regardées avec mépris, je les ai regardées avec dégoût ; elles m’ont aimé, sont venues près de moi, m’ont dédaigné, elles m’ont quitté pleines de dégoût, sans se soucier de mes appels répétés, aimants).
...
Pour conclure, il n’est pas erroné d’affirmer que la popularité dont jouit Jibanananda parmi les intellectuels et les lecteurs de ses poèmes, aida à la diffusion du baudelairisme au Bengale des années trente.
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SOPHISTICATION POÉTIQUE
Sudhindranath Dutta
Sudhindranath Dutta(1901 - 1960), célèbre poète moderne des années trente, naquit à Calcutta et grandit dans une ambiance culturelle très vivante. Son père Hirendranath Dutta était un avocat renommé du palais de justice de Calcutta et son oncle Amarnath Dutta était un tout grand acteur. Sudhindranath suivit sans les compléter, les cours de licence en anglais puis des cours de droit, à l’Université de Calcutta. Dans son enfance, il vécut longtemps à Bénarès ne connaissant guère sa langue maternelle qu’il dut vraiment étudier, ainsi que le français et l’allemand, plus tard dans sa jeunesse à l’âge de trente ans. Il commença sa carrière poétique en publiant ‘Tanwi’ (Svelte silhouette,1930), puis, ‘Arkestra’ (Orchestre, 1935), ‘Krandasi’ (Âme sensible, 1937), ‘Uttarphalguni’ (Étoile de fin de Printemps,1940), ‘Sanbarta’ (Nuage d’Apocalypse,1953), ‘Pratidhwani’ (Écho,1954), et ‘Dashami’ (Dernier jour du festival d’automne,1966).
Sudhindranath, compagnon de voyage occasionnel de Tagore, était loin de l’être dans le domaine littéraire. Dégoûté du romantisme contemporain il est tenté par la présentation symbolique et la forme classique de Baudelaire. Il partage aussi son attrait pour la sensualité, son impersonnalité, sa contemporanéité et son perfectionnisme dans la forme. On trouve aussi dans ses œuvres l’influence de T. S. Eliot et Mallarmé. Abu Syeed Ayyub écrivit en 1968 que, dans la poésie bengalie, le plus influent poète de la décade passée fût Baudelaire tout comme Eliot le fût de la première décade de ‘Porichay’ (Présentation, revue bengalie). La période ‘Porichay’ coïncide avec la période de Sudhindranath Dutta. Eliot et Mallarmé représentent une forme mûrie du baudelairisme dont l’influence sur Sudhindranath se déduit aisément.
Tout d’abord on retrouve dans son œuvre une idée baudelairienne de l’amour. Ainsi :
« Rikta mor, nagnata mor, dainya dekhi,
Urbashi aj paliyechhe ki ?
Sakali aj lupta moder chittadeshe
Premer chitavasma shese.
Drista tarar ankhir jhilik aj gagane,
Tai bali aj bhanga galay, kator sure,
Ghumao sakhi, ghumao; usa ekhano hay, anek dure.»
(Urbasi :La nymphe séductrice; s.5,v.1-8)
(Voyant mon dénuement, ma nudité et ma misère Urbasi, la séductrice nymphe céleste se serait- elle enfuie? Aujourd’hui tout a disparu de nos cœurs avec les dernières cendres du bûcher funéraire de l’amour. Aujourd’hui, de ma fenêtre ouverte j’ai vu dans le ciel briller le regard impudent des étoiles. Aussi dis-je d’une voix cassée, ‘Dors, mon amie, dors, l’aurore, hélas, est encore très loin’).
....
Sudhindranath Dutta(1901 - 1960), célèbre poète moderne des années trente, naquit à Calcutta et grandit dans une ambiance culturelle très vivante. Son père Hirendranath Dutta était un avocat renommé du palais de justice de Calcutta et son oncle Amarnath Dutta était un tout grand acteur. Sudhindranath suivit sans les compléter, les cours de licence en anglais puis des cours de droit, à l’Université de Calcutta. Dans son enfance, il vécut longtemps à Bénarès ne connaissant guère sa langue maternelle qu’il dut vraiment étudier, ainsi que le français et l’allemand, plus tard dans sa jeunesse à l’âge de trente ans. Il commença sa carrière poétique en publiant ‘Tanwi’ (Svelte silhouette,1930), puis, ‘Arkestra’ (Orchestre, 1935), ‘Krandasi’ (Âme sensible, 1937), ‘Uttarphalguni’ (Étoile de fin de Printemps,1940), ‘Sanbarta’ (Nuage d’Apocalypse,1953), ‘Pratidhwani’ (Écho,1954), et ‘Dashami’ (Dernier jour du festival d’automne,1966).
Sudhindranath, compagnon de voyage occasionnel de Tagore, était loin de l’être dans le domaine littéraire. Dégoûté du romantisme contemporain il est tenté par la présentation symbolique et la forme classique de Baudelaire. Il partage aussi son attrait pour la sensualité, son impersonnalité, sa contemporanéité et son perfectionnisme dans la forme. On trouve aussi dans ses œuvres l’influence de T. S. Eliot et Mallarmé. Abu Syeed Ayyub écrivit en 1968 que, dans la poésie bengalie, le plus influent poète de la décade passée fût Baudelaire tout comme Eliot le fût de la première décade de ‘Porichay’ (Présentation, revue bengalie). La période ‘Porichay’ coïncide avec la période de Sudhindranath Dutta. Eliot et Mallarmé représentent une forme mûrie du baudelairisme dont l’influence sur Sudhindranath se déduit aisément.
Tout d’abord on retrouve dans son œuvre une idée baudelairienne de l’amour. Ainsi :
« Rikta mor, nagnata mor, dainya dekhi,
Urbashi aj paliyechhe ki ?
Sakali aj lupta moder chittadeshe
Premer chitavasma shese.
Drista tarar ankhir jhilik aj gagane,
Tai bali aj bhanga galay, kator sure,
Ghumao sakhi, ghumao; usa ekhano hay, anek dure.»
(Urbasi :La nymphe séductrice; s.5,v.1-8)
(Voyant mon dénuement, ma nudité et ma misère Urbasi, la séductrice nymphe céleste se serait- elle enfuie? Aujourd’hui tout a disparu de nos cœurs avec les dernières cendres du bûcher funéraire de l’amour. Aujourd’hui, de ma fenêtre ouverte j’ai vu dans le ciel briller le regard impudent des étoiles. Aussi dis-je d’une voix cassée, ‘Dors, mon amie, dors, l’aurore, hélas, est encore très loin’).
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Comme Baudelaire, il dépeint aussi avec force son angoisse, son spleen ...
Sudhindranath, avec un grand talent poétique, est parvenu à préserver pour la littérature bengalie, toute la richesse de Baudelaire.
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Cet essai de 11 pages a 2019 mots et 10641 caractères ou l'équivalant de 16774 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : dr.gautampaul@gmail.com
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Sudhindranath, avec un grand talent poétique, est parvenu à préserver pour la littérature bengalie, toute la richesse de Baudelaire.
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Cet essai de 11 pages a 2019 mots et 10641 caractères ou l'équivalant de 16774 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : dr.gautampaul@gmail.com
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Thursday, June 09, 2005
LE PASSIONNÉ DE BAUDELAIRE
Buddhadev Bose
Avec le trio Buddhadev Bose (1908-1974), Sudhindranath Dutta (1901-1960) et Bishnu Dey (1907-1982), la modernité atteint son apogée au Bengale, bien que Jibanananda Das (1899-1954) et Amiya Charaborty (1901-1988) aient déjà contribué à son développement dans les années trente. Dans ce trio, Buddhadev Bose est celui qui subit le plus l’influence de Baudelaire.
Buddhadev perdit sa mère dans les 24 heures de sa naissance. Son père se remaria et son grand-père maternel prit soin de lui. Son sentiment et son goût de la solitude datent sans doute comme Baudelaire de cette époque. Il dit, ‘je passais mes journées dans la solitude, rêvant et pensant, et la plupart du temps silencieux.’ Bien qu’il ait lu Baudelaire dans des traductions anglaises, en 1931, quand il était étudiant pour la licence en anglais à l’Université de Dhaka, son enthousiasme pour ses poèmes était tel qu’il traduisit plusieurs d’entre eux en bengali. Il étudia également à cette époque et attentivement les œuvres de Mohitlal Majumdar, Gobinda Chandra Das et Jatindranath Sengupta. Cette étude enrichit non seulement son sens de la modernité, mais aussi augmenta son attraction pour Baudelaire. On trouve des éléments baudelairiens dans ses œuvres poétiques de l’époque.
En juillet, 1927, avec son ami Ajit Dutta, il publia le revue ‘Pragati’ (Progrès). Il était alors étudiant en candidature (Littérature anglaise) à l’université de Dhaka. En 1931, il s’installait à Calcutta en permanence, qui pour lui, était comme ‘un immense campus d’université sans barrières’(Buddhadev Basur Rachana Sangraha :Collection des Œuvres,vol.4). Il était en rapport avec le cercle du ‘Kallol’ (Vague). Il se lia aussi d’amitié avec Jibanananda Das , Bishnu Dey, Samar Sen Sudhindranath Dutta— tous célèbres poètes modernes bengalis des années trente et publia dans les revues ‘Kallol’(Vague,1923), ‘Sanghati’ (Harmonie,1923), ‘Uttara’(La revue du nord de la ville, 1925), ‘ Kali-Kalam’ (Encre et Plume,1926), ‘Porichay’(Présentation,1931) et ‘Purbasha’(A l’est, 1932) etc.. En 1935, il publia sa propre revue de poésies modernes ‘Kabita’ (Poésies).
C’était l’époque d’après la première guerre mondiale dont l’influence facilita grandement l’acceptation des idées baudelairiennes par les poètes du Bengale. D’après Buddhadev Bose : ‘C’est de la grande littérature, celle qui est toujours actuelle à chaque nouvelle époque, et dans laquelle chaque époque entend résonner sa propre voix intime. Ouvert à tous les mouvements littéraires, il tâchait de rendre éternelle l’actualité de leurs messages’ (Rabindranath O Kathasaitya : Rabindranath et Son Prose) Dans cet esprit, Buddhadev Bose traduisit presque entièrement Les Fleurs du Mal. Ses autres œuvres poétiques sont nombreuses : ‘Marmabani’ (Voix intime), ‘Bandir Bandana’ (Prière de louange d’un prisonnier), ‘Kankabati’ (Nom folklorique), ‘Draupadir Sharhi’ (Le Sari de Draupadi), ‘Shiter Prarthana, Basanter Uttar’ (Prière de l’hiver, réponse du printemps), ‘Je Andhar Alor Adhik’ (Obscurité plus brillante que la lumière) sont les plus importantes parmi celles-ci. On lui doit aussi de nombreux essais, quelques romans, des drames et des traductions de Rilke et Kalidas.
D’après Buddhadev Bose, Baudelaire est non seulement ‘la source’ du symbolisme mais aussi, globalement parlant, le père de la modernité. Il trouve partout dans les mondes littéraires anglais et français l’influence de Baudelaire. Il affirme en plus : ‘Au Bengale un homme de près de 50 ans, malgré une santé précaire et une vie fort incertaine, consacrait de nombreuses heures pleines de joie à traduire ses poèmes.’ Baudelaire comme Rimbaud est ‘le premier voyant, roi des poètes, vrai dieu.’ (Voir. Préface de sa traduction des Fleurs du Mal —Baudelaire : Tar Kabita).
Partout dans son œuvre l’influence de Baudelaire est évidente. Comme Baudelaire, il commence aussi son voyage poétique dans une ambiance romantique tout en s’affirmant antiromantique à tendance classique (de son livre ‘Natun Pata’ : Feuille nouvelle,1940, à ‘Marche Parha Pereker Gan’ : Chanson du clou rouillé, 1966). Dans les poèmes suivants ces diverses tendances sont manifestes :
« Ta hale ujjwal karo dip, mayabi tabile
Sankirna alor chakre magna hao, je alor bij
Janmaday sundarir, jar gan samudrer nile
Kanpay, jyochhnay jay jhilimli swapner shemij
Digbijayi jahajere bhange ene purano pathare. »
( Mayabi Tabil : L’ Écritoire magique, s.1,v.1-5 )
(Active la flamme de la lampe de ton écritoire magique, absorbé dans son cercle étroit de clarté dans laquelle prennent naissance de jolies femmes, dont les chants vibrent dans l’océan azuré, et la chemise des rêves étincelle au clair de lune et fait se briser sur de vieux rocs les bateaux vainqueurs des espaces).
Comme Baudelaire, Buddhadev est en proie aussi à l’angoisse du spleen et au mal du siècle :
« Aj ai prithibi amake shasachchhe, voy dekhachchhe dant barkore
ei dunswapna!
Aj ghamiyeesechhe sarbonash, mrityur jhapta lagchhe mukhe,
Prithibi amake hatya korte udyata, bastu andha,lobhopit hatyay;
Bastur nispesane amake marte chay, amake kerhenite chay, nijer
kachh theke,
Kerhe nite chay take, amar apekshay je bose achhe,
Jar kachhe amake jetai habe. »
(Rudra Abirbhab : Apparition de Rudra ; s.14 v.1-6)
(Aujourd’hui l’univers me menace, me fait peur comme un cauchemar, montrant les dents. Aujourd’hui la catastrophe approche, un coup de vent mortel me frappe au visage. L’Univers est prêt à ma tuer, comme une brute aveugle, jaune de l’envie de tuer. Il veut m’écraser sous le poids des chocs, se saisir de moi et m’attirer à lui. Il veut se saisir de celle qui m’attend et chez qui je devrai nécessairement me rendre).
....
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Cet essai de 8 pages, a 2321 mots et 12280 caractères ou l'équivalant de 17225 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Avec le trio Buddhadev Bose (1908-1974), Sudhindranath Dutta (1901-1960) et Bishnu Dey (1907-1982), la modernité atteint son apogée au Bengale, bien que Jibanananda Das (1899-1954) et Amiya Charaborty (1901-1988) aient déjà contribué à son développement dans les années trente. Dans ce trio, Buddhadev Bose est celui qui subit le plus l’influence de Baudelaire.
Buddhadev perdit sa mère dans les 24 heures de sa naissance. Son père se remaria et son grand-père maternel prit soin de lui. Son sentiment et son goût de la solitude datent sans doute comme Baudelaire de cette époque. Il dit, ‘je passais mes journées dans la solitude, rêvant et pensant, et la plupart du temps silencieux.’ Bien qu’il ait lu Baudelaire dans des traductions anglaises, en 1931, quand il était étudiant pour la licence en anglais à l’Université de Dhaka, son enthousiasme pour ses poèmes était tel qu’il traduisit plusieurs d’entre eux en bengali. Il étudia également à cette époque et attentivement les œuvres de Mohitlal Majumdar, Gobinda Chandra Das et Jatindranath Sengupta. Cette étude enrichit non seulement son sens de la modernité, mais aussi augmenta son attraction pour Baudelaire. On trouve des éléments baudelairiens dans ses œuvres poétiques de l’époque.
En juillet, 1927, avec son ami Ajit Dutta, il publia le revue ‘Pragati’ (Progrès). Il était alors étudiant en candidature (Littérature anglaise) à l’université de Dhaka. En 1931, il s’installait à Calcutta en permanence, qui pour lui, était comme ‘un immense campus d’université sans barrières’(Buddhadev Basur Rachana Sangraha :Collection des Œuvres,vol.4). Il était en rapport avec le cercle du ‘Kallol’ (Vague). Il se lia aussi d’amitié avec Jibanananda Das , Bishnu Dey, Samar Sen Sudhindranath Dutta— tous célèbres poètes modernes bengalis des années trente et publia dans les revues ‘Kallol’(Vague,1923), ‘Sanghati’ (Harmonie,1923), ‘Uttara’(La revue du nord de la ville, 1925), ‘ Kali-Kalam’ (Encre et Plume,1926), ‘Porichay’(Présentation,1931) et ‘Purbasha’(A l’est, 1932) etc.. En 1935, il publia sa propre revue de poésies modernes ‘Kabita’ (Poésies).
C’était l’époque d’après la première guerre mondiale dont l’influence facilita grandement l’acceptation des idées baudelairiennes par les poètes du Bengale. D’après Buddhadev Bose : ‘C’est de la grande littérature, celle qui est toujours actuelle à chaque nouvelle époque, et dans laquelle chaque époque entend résonner sa propre voix intime. Ouvert à tous les mouvements littéraires, il tâchait de rendre éternelle l’actualité de leurs messages’ (Rabindranath O Kathasaitya : Rabindranath et Son Prose) Dans cet esprit, Buddhadev Bose traduisit presque entièrement Les Fleurs du Mal. Ses autres œuvres poétiques sont nombreuses : ‘Marmabani’ (Voix intime), ‘Bandir Bandana’ (Prière de louange d’un prisonnier), ‘Kankabati’ (Nom folklorique), ‘Draupadir Sharhi’ (Le Sari de Draupadi), ‘Shiter Prarthana, Basanter Uttar’ (Prière de l’hiver, réponse du printemps), ‘Je Andhar Alor Adhik’ (Obscurité plus brillante que la lumière) sont les plus importantes parmi celles-ci. On lui doit aussi de nombreux essais, quelques romans, des drames et des traductions de Rilke et Kalidas.
D’après Buddhadev Bose, Baudelaire est non seulement ‘la source’ du symbolisme mais aussi, globalement parlant, le père de la modernité. Il trouve partout dans les mondes littéraires anglais et français l’influence de Baudelaire. Il affirme en plus : ‘Au Bengale un homme de près de 50 ans, malgré une santé précaire et une vie fort incertaine, consacrait de nombreuses heures pleines de joie à traduire ses poèmes.’ Baudelaire comme Rimbaud est ‘le premier voyant, roi des poètes, vrai dieu.’ (Voir. Préface de sa traduction des Fleurs du Mal —Baudelaire : Tar Kabita).
Partout dans son œuvre l’influence de Baudelaire est évidente. Comme Baudelaire, il commence aussi son voyage poétique dans une ambiance romantique tout en s’affirmant antiromantique à tendance classique (de son livre ‘Natun Pata’ : Feuille nouvelle,1940, à ‘Marche Parha Pereker Gan’ : Chanson du clou rouillé, 1966). Dans les poèmes suivants ces diverses tendances sont manifestes :
« Ta hale ujjwal karo dip, mayabi tabile
Sankirna alor chakre magna hao, je alor bij
Janmaday sundarir, jar gan samudrer nile
Kanpay, jyochhnay jay jhilimli swapner shemij
Digbijayi jahajere bhange ene purano pathare. »
( Mayabi Tabil : L’ Écritoire magique, s.1,v.1-5 )
(Active la flamme de la lampe de ton écritoire magique, absorbé dans son cercle étroit de clarté dans laquelle prennent naissance de jolies femmes, dont les chants vibrent dans l’océan azuré, et la chemise des rêves étincelle au clair de lune et fait se briser sur de vieux rocs les bateaux vainqueurs des espaces).
Comme Baudelaire, Buddhadev est en proie aussi à l’angoisse du spleen et au mal du siècle :
« Aj ai prithibi amake shasachchhe, voy dekhachchhe dant barkore
ei dunswapna!
Aj ghamiyeesechhe sarbonash, mrityur jhapta lagchhe mukhe,
Prithibi amake hatya korte udyata, bastu andha,lobhopit hatyay;
Bastur nispesane amake marte chay, amake kerhenite chay, nijer
kachh theke,
Kerhe nite chay take, amar apekshay je bose achhe,
Jar kachhe amake jetai habe. »
(Rudra Abirbhab : Apparition de Rudra ; s.14 v.1-6)
(Aujourd’hui l’univers me menace, me fait peur comme un cauchemar, montrant les dents. Aujourd’hui la catastrophe approche, un coup de vent mortel me frappe au visage. L’Univers est prêt à ma tuer, comme une brute aveugle, jaune de l’envie de tuer. Il veut m’écraser sous le poids des chocs, se saisir de moi et m’attirer à lui. Il veut se saisir de celle qui m’attend et chez qui je devrai nécessairement me rendre).
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Cet essai de 8 pages, a 2321 mots et 12280 caractères ou l'équivalant de 17225 caractères si l'on compte les écarts comme caractères. Pour publier l'essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Wednesday, June 08, 2005
LE POÈTE DE L'AMOUR
Bishnu Dey
Bishnu Dey (1909-1982) né à Calcutta de 18 juillet 1909, obtient sa licence en anglais de l’Université de la ville en 1934. L’année suivante il est professeur d’anglais au ‘Ripon College’, et puis au ‘Presidency College’. Sa première œuvre ‘Urbashi O Artemis’ (Une Nymphe séductrice et Artémis) fut publiée en 1933. Puis apparurent ‘Chorabali’ (Sables mouvants) en 1937, ‘Sandwiper Char’ (Plage de Sandwip) en 1947, ‘Anwista’ (L’objet de mes désirs) en 1950, ‘Nam Rekhechi Komal Gandhar’(Je l’appelle ‘Mode mineur’) en 1953, ‘Smriti Satta Bhabiswat’ (Souvenir, présence et avenir) en 1963, ‘Sai Andhakar Chai’ (Je désire cette obscurité) en 1966, ‘Ishabasya Dibanisha’ (Le Seigneur habite nos jours et nos nuits) en 1974 sont les plus importantes permis celles-ci.
Bishnu Dey publia ses poèmes dans ‘Pragati ((Progrès), ‘Kallol’ (Vagues), ‘Porichay’ (Présentation), ‘Arani’ (Pierre à feu). Pour son recueil de poèmes : ‘Rushti Panchasati’ (Pour la cinquantième anniversaire de la Révolution Russe,1967), il reçut de la Russie le ‘Prix Nehru’ en 1967 et pour ‘Smriti Satwa Bhabiswat’ le prix ‘Jnanpith’ de l’Inde en 1971.
Dans sa jeunesse à l’âge de 20 ans Bishnu Dey lut Eliot qui influença fortement sa carrière poétique par ses livres ‘The Sacred Wood’ (Le Bois sacré) et ‘Poèmes 1925’. Il écrivit à ce propos : ‘L’influence d’Eliot sur la pensée bengalie littéraire est énorme et vraiment séminale. Étant données l’ampleur et la finesse de ses œuvres beaucoup ont emprunté à sa poésie, son questionnement délicat et sa philosophie littéraire, ainsi que sa profondeur d’intimité’(Elioter Kabita, ‘Shes Katha’ : Poèmes d’Eliot, ‘Le Dernière Mot’). Indirectement, par cette influence d’Eliot, Bishnu Dey apporta des éléments baudelairiens dans la littérature bengalie même si plus tard il devait, dans sa carrière poétique, se tourner de plus en plus vers le marxisme. Nous trouvons ainsi chez lui six traductions de poèmes des ‘Fleurs du mal’ et une traduction d’un des ‘Petits poèmes en prose’, dans sa collection ‘Tumi Rabeki Bideshini’ (Restera -tu étrangère).
L’influence de Baudelaire sur sa conception de l’amour est manifeste dans les vers suivants : « Tomar deher hay antahin amantran bithi
Ghuri je samoy nai—sudhu tumi thako kshanakal,
Kshaniker ananda-aloy
Andhakar akash-sabhay
Nagnatay dipta tanu jwaliye-jwaliye jao
Nrityamoy dipta deyalite. »
(Urbashi : Une Nymphe séductrice,s.1,v.6-11)
(Hélas! Je n’ai pas le temps de me promener dans l’avenue éternellement invitante de ton corps—tu ne restes qu’un instant à la lumière joyeuse d’un moment, dans la cour céleste des ténèbres; tu allumes ton corps éclatant dans sa nudité, dans le feu des lampes qui brillent et dansent).
« Asal kathata ami ja bujhi
Prem-frem baje, asale amra natun khuji
Narike purus, purushke nari taito khoje—
Tar opor to se jibaner dharma upari achhe.
Eri nam prem. » (Mon deya-neya :Cœur à cœur; s.2 v.1-5)
(Le fond des choses à mon avis est un : l’amour n’a pas de sens, nous cherchons en fait du neuf. L’homme cherche la femme et la femme l’homme—après tout il est fait de cette nature animale. C’est cela qu’on appelle l’amour). Ces vers non seulement nous rappellent Baudelaire mais aussi un autre poète baudelairien, Jatindranath Sengupta (voir page 217 ).
En bref, dans la troisième décade du siècle, aux côtés de Buddhadev Bose et Sudhindranath Dutta nous trouvons en Bishnu Dey un autre poète fortement influencé par Baudelaire.
Bishnu Dey (1909-1982) né à Calcutta de 18 juillet 1909, obtient sa licence en anglais de l’Université de la ville en 1934. L’année suivante il est professeur d’anglais au ‘Ripon College’, et puis au ‘Presidency College’. Sa première œuvre ‘Urbashi O Artemis’ (Une Nymphe séductrice et Artémis) fut publiée en 1933. Puis apparurent ‘Chorabali’ (Sables mouvants) en 1937, ‘Sandwiper Char’ (Plage de Sandwip) en 1947, ‘Anwista’ (L’objet de mes désirs) en 1950, ‘Nam Rekhechi Komal Gandhar’(Je l’appelle ‘Mode mineur’) en 1953, ‘Smriti Satta Bhabiswat’ (Souvenir, présence et avenir) en 1963, ‘Sai Andhakar Chai’ (Je désire cette obscurité) en 1966, ‘Ishabasya Dibanisha’ (Le Seigneur habite nos jours et nos nuits) en 1974 sont les plus importantes permis celles-ci.
Bishnu Dey publia ses poèmes dans ‘Pragati ((Progrès), ‘Kallol’ (Vagues), ‘Porichay’ (Présentation), ‘Arani’ (Pierre à feu). Pour son recueil de poèmes : ‘Rushti Panchasati’ (Pour la cinquantième anniversaire de la Révolution Russe,1967), il reçut de la Russie le ‘Prix Nehru’ en 1967 et pour ‘Smriti Satwa Bhabiswat’ le prix ‘Jnanpith’ de l’Inde en 1971.
Dans sa jeunesse à l’âge de 20 ans Bishnu Dey lut Eliot qui influença fortement sa carrière poétique par ses livres ‘The Sacred Wood’ (Le Bois sacré) et ‘Poèmes 1925’. Il écrivit à ce propos : ‘L’influence d’Eliot sur la pensée bengalie littéraire est énorme et vraiment séminale. Étant données l’ampleur et la finesse de ses œuvres beaucoup ont emprunté à sa poésie, son questionnement délicat et sa philosophie littéraire, ainsi que sa profondeur d’intimité’(Elioter Kabita, ‘Shes Katha’ : Poèmes d’Eliot, ‘Le Dernière Mot’). Indirectement, par cette influence d’Eliot, Bishnu Dey apporta des éléments baudelairiens dans la littérature bengalie même si plus tard il devait, dans sa carrière poétique, se tourner de plus en plus vers le marxisme. Nous trouvons ainsi chez lui six traductions de poèmes des ‘Fleurs du mal’ et une traduction d’un des ‘Petits poèmes en prose’, dans sa collection ‘Tumi Rabeki Bideshini’ (Restera -tu étrangère).
L’influence de Baudelaire sur sa conception de l’amour est manifeste dans les vers suivants : « Tomar deher hay antahin amantran bithi
Ghuri je samoy nai—sudhu tumi thako kshanakal,
Kshaniker ananda-aloy
Andhakar akash-sabhay
Nagnatay dipta tanu jwaliye-jwaliye jao
Nrityamoy dipta deyalite. »
(Urbashi : Une Nymphe séductrice,s.1,v.6-11)
(Hélas! Je n’ai pas le temps de me promener dans l’avenue éternellement invitante de ton corps—tu ne restes qu’un instant à la lumière joyeuse d’un moment, dans la cour céleste des ténèbres; tu allumes ton corps éclatant dans sa nudité, dans le feu des lampes qui brillent et dansent).
« Asal kathata ami ja bujhi
Prem-frem baje, asale amra natun khuji
Narike purus, purushke nari taito khoje—
Tar opor to se jibaner dharma upari achhe.
Eri nam prem. » (Mon deya-neya :Cœur à cœur; s.2 v.1-5)
(Le fond des choses à mon avis est un : l’amour n’a pas de sens, nous cherchons en fait du neuf. L’homme cherche la femme et la femme l’homme—après tout il est fait de cette nature animale. C’est cela qu’on appelle l’amour). Ces vers non seulement nous rappellent Baudelaire mais aussi un autre poète baudelairien, Jatindranath Sengupta (voir page 217 ).
En bref, dans la troisième décade du siècle, aux côtés de Buddhadev Bose et Sudhindranath Dutta nous trouvons en Bishnu Dey un autre poète fortement influencé par Baudelaire.
POÈTE DU TRAVAIL
Premendra Mitra
Las autres poètes célèbres de cette époque sont Premendra Mitra (1904-1988), Achinta Kumar Sengupta (1903-1976), Samar Sen (1916-1981), Tous les trois ont subi l’influence de Baudelaire.
Premendra Mitra publia son premier recueil ‘Prathama’ ( Première
collection) en1932, bien qu’il eut déjà publié beaucoup de poèmes dans‘Bijali’ (Éclair), ‘Kallol’ (Vagues), ‘Kali-Kalam’ (Encre et plume), ‘Pragati’ (Progrès) depuis 1924. Ses autres recueils ‘Samrat’ (Empereur,1940), ‘Ferari Fouz’ (Bataillons en déroute,1948) et ‘Sagar Theke Fera’ (Retour de mer,1956). On lui doit aussi plusieurs romans et nouvelles très populaires.
Dans son poème ‘Prathama’ (Ma fille première), la premier poème du recueil ‘Prathama’, le sens du spleen baudelairien est manifeste :
« Lakshya bhrasta prithibir bhai se adim abhishap
Bahi mora chirodin ;
Akasher alo jato kari joy, mitibena kabhu bhai
Adi panker rein. » (s.4, v.1-4 )
(Frère d’un univers égaré, nous portons éternellement une malédiction originelle; notre conquête de la lumière céleste ne réussira jamais, frère, à payer la dette que nous devons à la fange de notre origine).
Dans d’autres poèmes aussi, comme ‘Apurnata’ (Imperfection), ‘Namaskar’ (Mes respects), ‘Mane’ (An fond du cœur), ‘Idurera’(Les rats).
C’est un profond dégoût pour l’amour de type baudelairien que l’on trouve dans son poème ‘Nilkantha’ (Le Dieu au gosier bleu de poison) :
Meyeder chokh aj chakchake dharalo;
Neche neche dheu tole, nacher neshay dole
Mishkalo ange ki cheknai !
Mrityur moutate bund hoye gechi sob
Ramani O maranete bhed nai. » (s.4,v.1-4).
(Aujourd’hui les femmes ont le regard brillant et perçant, leurs membres noirs et robustes se balancent au rythme endiablé de leur danse, elles ont perdu leur sens dans l’ivresse de la mort; mort et amertume ne font plus qu’un).
Pourtant l’idéalisme de Tagore ne l’abandonne pas. A preuve, les vers suivants :
« Barbar ratri diye din muchhi.
He pusan! kabe hobe suchi ? »
(Pusan :Le Soleil; s.1v.1&2)
(Sans cesse j’écarte le jour et accueille la nuit. Hé soleil! A quand ma purification ?).
Cet idéalisme de l’amour est pourtant teinté lui aussi de baudelairisme : « Aro ekjan achhe
Nam jar dharina kakhano;
Mane parhe jay sudhu
Kaj sere kshet O khamare
Gham muchhe ek hate
Jibaner berhatar pashe ese danrhai jakhan;
Suni tar nishwasete uthlay rater andhar,
Shiharay aranya gahan. »
(Aro Ek : Une de plus;s.1,v.1- 8)
( Il existe encore quelqu’un que je n’appelle jamais par son nom; je me la rappelle seulement, quand ayant fini mes travaux aux champs et à la ferme, je me tiens debout à la clôture de la vie et d’une main essuye ma transpiration. Dans son haleine, j’entends déborder les ténèbres de la nuit et frémir les profondeurs de la forêt).
Dans les poème ‘Sap’ (Serpent), ‘Pathoddhar’ (Déchiffrement), ‘Harin’(Cerf), ‘Kaladwani’ (Murmure), ‘Dam’(Valeur), c’est la hantise de l’exil baudelairien que l’on trouve.
Comme poète moderne bien sûr c’est par l’intermédiaire de Yeats, Eliot, Lawrence, Pound, Poe, Mallarmé que Premendra Mitra subit l’influence d’un Baudelaire qu’il ne connaissait pas autrement.
Las autres poètes célèbres de cette époque sont Premendra Mitra (1904-1988), Achinta Kumar Sengupta (1903-1976), Samar Sen (1916-1981), Tous les trois ont subi l’influence de Baudelaire.
Premendra Mitra publia son premier recueil ‘Prathama’ ( Première
collection) en1932, bien qu’il eut déjà publié beaucoup de poèmes dans‘Bijali’ (Éclair), ‘Kallol’ (Vagues), ‘Kali-Kalam’ (Encre et plume), ‘Pragati’ (Progrès) depuis 1924. Ses autres recueils ‘Samrat’ (Empereur,1940), ‘Ferari Fouz’ (Bataillons en déroute,1948) et ‘Sagar Theke Fera’ (Retour de mer,1956). On lui doit aussi plusieurs romans et nouvelles très populaires.
Dans son poème ‘Prathama’ (Ma fille première), la premier poème du recueil ‘Prathama’, le sens du spleen baudelairien est manifeste :
« Lakshya bhrasta prithibir bhai se adim abhishap
Bahi mora chirodin ;
Akasher alo jato kari joy, mitibena kabhu bhai
Adi panker rein. » (s.4, v.1-4 )
(Frère d’un univers égaré, nous portons éternellement une malédiction originelle; notre conquête de la lumière céleste ne réussira jamais, frère, à payer la dette que nous devons à la fange de notre origine).
Dans d’autres poèmes aussi, comme ‘Apurnata’ (Imperfection), ‘Namaskar’ (Mes respects), ‘Mane’ (An fond du cœur), ‘Idurera’(Les rats).
C’est un profond dégoût pour l’amour de type baudelairien que l’on trouve dans son poème ‘Nilkantha’ (Le Dieu au gosier bleu de poison) :
Meyeder chokh aj chakchake dharalo;
Neche neche dheu tole, nacher neshay dole
Mishkalo ange ki cheknai !
Mrityur moutate bund hoye gechi sob
Ramani O maranete bhed nai. » (s.4,v.1-4).
(Aujourd’hui les femmes ont le regard brillant et perçant, leurs membres noirs et robustes se balancent au rythme endiablé de leur danse, elles ont perdu leur sens dans l’ivresse de la mort; mort et amertume ne font plus qu’un).
Pourtant l’idéalisme de Tagore ne l’abandonne pas. A preuve, les vers suivants :
« Barbar ratri diye din muchhi.
He pusan! kabe hobe suchi ? »
(Pusan :Le Soleil; s.1v.1&2)
(Sans cesse j’écarte le jour et accueille la nuit. Hé soleil! A quand ma purification ?).
Cet idéalisme de l’amour est pourtant teinté lui aussi de baudelairisme : « Aro ekjan achhe
Nam jar dharina kakhano;
Mane parhe jay sudhu
Kaj sere kshet O khamare
Gham muchhe ek hate
Jibaner berhatar pashe ese danrhai jakhan;
Suni tar nishwasete uthlay rater andhar,
Shiharay aranya gahan. »
(Aro Ek : Une de plus;s.1,v.1- 8)
( Il existe encore quelqu’un que je n’appelle jamais par son nom; je me la rappelle seulement, quand ayant fini mes travaux aux champs et à la ferme, je me tiens debout à la clôture de la vie et d’une main essuye ma transpiration. Dans son haleine, j’entends déborder les ténèbres de la nuit et frémir les profondeurs de la forêt).
Dans les poème ‘Sap’ (Serpent), ‘Pathoddhar’ (Déchiffrement), ‘Harin’(Cerf), ‘Kaladwani’ (Murmure), ‘Dam’(Valeur), c’est la hantise de l’exil baudelairien que l’on trouve.
Comme poète moderne bien sûr c’est par l’intermédiaire de Yeats, Eliot, Lawrence, Pound, Poe, Mallarmé que Premendra Mitra subit l’influence d’un Baudelaire qu’il ne connaissait pas autrement.
LE POÈTE DES NUITS SANS LUNE
Achintya Kumar Sengupta
Achintya Kumar Sengupta (1903- 1976) compagnon de Premendra Mitra et membre célèbre du mouvement ‘Kallol’ (Vagues), publia son premier recueil ‘Amabasya’ (Nouvelle Lune ) en 1930, et puis ‘Amra’ (Nous) en 1932, ‘Priya O Prithibi’ (Amante et Univers) en 1933, ‘Nil Akash’ (Ciel azuré) en 1949, ‘Ajanma Suravi’ (Parfums remontant à ma naissance) en 1965, ‘Purba-Pashchim’ (Est- Ouest) en 1967, ‘Uttaran’ (Solstice d’été) en 1974. Avant tout romancier, dans les années trente, il est pourtant un poète bengali célèbre. De profession il était juge de paix, d’esprit il était moderne. L’influence de Baudelaire se trouve non seulement dans ses œuvres poétiques mais aussi dans ses romans et nouvelles.
Pour sa conception de l’amour, comme il en est chez son contemporains Buddhadev Bose, Jibanananda Das doit beaucoup à Baudelaire par l’intermédiaire ici aussi de la littérature anglaise surtout Yeats, Auden et Eliot.
Dans le poème ‘Dharate Charan Raki Akashere Laiba Mathay’ ( Les pieds par terre, je mettrai le ciel sur ma tête), il parle comme Baudelaire dans ses ‘Journaux intimes’ (Mon Cœur mis à nu, no. XIX, v.1-2) :
« Puspita jarjarita mor panjar
Ek parshwe rakshser anya parshwe debatar ghar. » (s.5v.1,2)
(Ma cage thoracique dilatée brûle de soif, d’un côté la demeure des démons, de l’autre celle des dieux).
Le poème ‘Gabo Aj Anander Gan’ (Aujourd’hui je chanterai une chanson joyeuse) nous offre un échantillon très baudelairien d’amour charnel :
« Biswer amritaras je anande karia manthan
Laviyachhe nari tar sukhodwel tapta purnastan,
Labanyalalita tanu jouban puspita puta anger mandir
Rachiyachhe je ananda kamanar samudrer tir
Samsar shiyare,
Je ananda andalita sugandhanandita snigdha chumban trisnay
Bamkim gribar bhange, apange, janghay,
Lilayita katitale lalate o katu bhrukutite,
Champa angulite,
Purus pirhantale je anande kampra mujhyaman
Gabo sai anander gan. » (s.2, v.1- 11)
(Avec la joie qui a produit le nectar de l’univers, les femmes ont acquis leurs seins gonflés, tièdes et repus de plaisir; la joie qui a construit le corps plein de beauté dans le temple des membres sacrés d’une adolescence en fleur, au bord de l’océan des passions, à la cime d’un foyer; la joie qui se balance toute parfumée dans la soif de baisers tendres, dans la posture de nuques courbées, dans les clins d’yeux, dans les hanches; la joie qui ondule dans les reins, le front, les froncements de sourcils et les doigts effilés; avec la joie qu’éprouvent les femmes palpitantes et médusées sous l’étreinte pénible des hommes, c’est cette chanson joyeuse que je chanterai).
Achintya Kumar Sengupta à la fin de sa vie, se tourna vers une spiritualité où l’on ne trouve plus la moindre trace de baudelairisme.
Achintya Kumar Sengupta (1903- 1976) compagnon de Premendra Mitra et membre célèbre du mouvement ‘Kallol’ (Vagues), publia son premier recueil ‘Amabasya’ (Nouvelle Lune ) en 1930, et puis ‘Amra’ (Nous) en 1932, ‘Priya O Prithibi’ (Amante et Univers) en 1933, ‘Nil Akash’ (Ciel azuré) en 1949, ‘Ajanma Suravi’ (Parfums remontant à ma naissance) en 1965, ‘Purba-Pashchim’ (Est- Ouest) en 1967, ‘Uttaran’ (Solstice d’été) en 1974. Avant tout romancier, dans les années trente, il est pourtant un poète bengali célèbre. De profession il était juge de paix, d’esprit il était moderne. L’influence de Baudelaire se trouve non seulement dans ses œuvres poétiques mais aussi dans ses romans et nouvelles.
Pour sa conception de l’amour, comme il en est chez son contemporains Buddhadev Bose, Jibanananda Das doit beaucoup à Baudelaire par l’intermédiaire ici aussi de la littérature anglaise surtout Yeats, Auden et Eliot.
Dans le poème ‘Dharate Charan Raki Akashere Laiba Mathay’ ( Les pieds par terre, je mettrai le ciel sur ma tête), il parle comme Baudelaire dans ses ‘Journaux intimes’ (Mon Cœur mis à nu, no. XIX, v.1-2) :
« Puspita jarjarita mor panjar
Ek parshwe rakshser anya parshwe debatar ghar. » (s.5v.1,2)
(Ma cage thoracique dilatée brûle de soif, d’un côté la demeure des démons, de l’autre celle des dieux).
Le poème ‘Gabo Aj Anander Gan’ (Aujourd’hui je chanterai une chanson joyeuse) nous offre un échantillon très baudelairien d’amour charnel :
« Biswer amritaras je anande karia manthan
Laviyachhe nari tar sukhodwel tapta purnastan,
Labanyalalita tanu jouban puspita puta anger mandir
Rachiyachhe je ananda kamanar samudrer tir
Samsar shiyare,
Je ananda andalita sugandhanandita snigdha chumban trisnay
Bamkim gribar bhange, apange, janghay,
Lilayita katitale lalate o katu bhrukutite,
Champa angulite,
Purus pirhantale je anande kampra mujhyaman
Gabo sai anander gan. » (s.2, v.1- 11)
(Avec la joie qui a produit le nectar de l’univers, les femmes ont acquis leurs seins gonflés, tièdes et repus de plaisir; la joie qui a construit le corps plein de beauté dans le temple des membres sacrés d’une adolescence en fleur, au bord de l’océan des passions, à la cime d’un foyer; la joie qui se balance toute parfumée dans la soif de baisers tendres, dans la posture de nuques courbées, dans les clins d’yeux, dans les hanches; la joie qui ondule dans les reins, le front, les froncements de sourcils et les doigts effilés; avec la joie qu’éprouvent les femmes palpitantes et médusées sous l’étreinte pénible des hommes, c’est cette chanson joyeuse que je chanterai).
Achintya Kumar Sengupta à la fin de sa vie, se tourna vers une spiritualité où l’on ne trouve plus la moindre trace de baudelairisme.
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Pour publier cet essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : dr.gautampaul@gmail.com
LE RIMBAUD DU BENGALE
Samar Sen
Samar Sen (1916-1981), prit sa licence en littérature anglaise à l’Université de Calcutta en 1938. Il publia son premier poème en 1934 dans la revue de son département. Dans le premier numéro de la revue ‘Kabita’ (Poésie) de Buddhadev Bose, il publia en 1935, quatre autres poèmes. En 1946, après une douzaine d’années comme Rimbaud, il abandonna la poésie.
Bien que Samar Sen ait commencé à publier vers la fin des années trente, il est cependant considéré par plusieurs critiques bengalis comme le plus célèbre poète moderne de la quatrième décade. En fait il fit la liaison entre les deux décades.
En 1937, parut son premier recueil ‘Kayekti Kabita’ (Quelques poèmes), puis en 1940, ‘Grahan O Anyanya Kabita’(Éclipse et autres poèmes),1942, ‘Nana Katha’ (Propos Variés) et ‘Tin Purus’ (Trois générations).
C’est par Eliot que, lui aussi subit l’influence de Baudelaire, influence dont témoigne ce jugement d’Arun Mitra, ‘Ses premiers poèmes avec leur tristesse, leur souffrance cachée, leur désenchantement et leur touche de désespoir enrichirent la poésie bengalie de goûts nouveaux’, Kabi Samar Sen : Le Poète Samar Sen, Anustup,v.22,n.2-3, p.3, 1988).
Les extraits suivants témoignent de la même influence pour ce qui touche à l’amour : « Stabdha rate keno tumi berie jao ?
Akashe chand nai, akash andhakar.
... ... ...
Amake keno chherhe jao
Milaner muhurta hote biraher stabdhatay ?
... .... ...
Sahasa bujhte pari—
Diner pare keno rat ase
Ar tarara kanpe apan mane,
... ... ...
Bujhte pari keno
Stabdha rate amake tumi chherhe jao
Milaner muhurta theke biraher stabdhatay. »
(Nishtabdhatar chhanda : Rythme du silence;
s.1,v.1-2; s.2, v.7-8; s.3,v.3-5,9-11)
(Pas de bruit, il fait nuit, pourquoi donc sors-tu ? Pas de lune dans le ciel, il n’est que ténèbres. ...Pourquoi me désertes-tu, quittes-tu mon étreinte pour la désolation de la solitude. ...Soudainement je comprends— Pourquoi la nuit vient après la jour et les cœurs des étoiles tremblent, ... Je comprends pour qui tu me désertes au milieu d’une nuit muette, pourquoi tu quittes mon étreinte pour la désolation de la solitude).
Voir aussi les poèmes ‘Nagarika’ (Courtisane), ‘Duhswapna’ (Cauchemar), ‘Prem’ (Amour), ‘Ekti Meye’ (Une Jeune fille).
On trouve l’angoisse du spleen surtout dans ‘Urbashi’ (La nymphe séductrice), ‘Swarga Hote Biday’ (Expulsés du Ciel), ‘Ekti Bekar Premik’ (Amant en chômage), ‘Kayekti Din’ (Quelques jours), ‘Ebar Phirao More’(Cette fois rappelez- moi), ‘Basanta’ (Printemps), ‘Kranti’ ( Transition), ‘Nasta Nirh’ ( Nid détruit), ‘Shob Jatra’ (Cortège funèbre). Dans ce dernier poème, se trouvent les vers suivants : ‘Dhusar digante jage kalo paharh,
Kaler chhaya.
Marubhumi alorhita bhoyal jharhe,
E prachin nagare
Urdhagrib ut santarpane chale
Digwijayi madan shahare narak jwale.
... ... ...
Jibaner shes prante karal shunyer pare
Abar pratham galita shober sanidhye mukhomukhi darhai,
... ... ...
Asanna prasaba andhakare
Kshuradhar nakhe matite anka kase
Kara taka gone, ar kalo tas bhanje,
Samalobhi thonte anka
Karkash, sabdahin hin utkantha.
Dure sabjatri hanke. »
(Prt.1, s.2,v.1-6; Prt.4,s.1,v.6-7; Prt.8 s.1,v.5-10)
(A l’horizon grisâtre, veille une montagne noire qui est comme l’ombre du temps. Le désert est secoué d’une tempête terrifiante; dans la vieille cité mon chameau s’avance prudemment la tête haute. Cupide, partout invincible, allume son feu infernal dans la cité. ... Aux confins de ma vie, au bord d’un vide affreux, je fais face à nouveau à ce premier cadavre en décomposition de ma vie ... Dans l’obscurité près d’enfanter, de leurs ongles à tranchant de rasoir, faisant leur calcul sur le sol qui comptent argent et battent les cartes noires. Sur leur lèvres mêmement cupides, se dessine une angoisse brute, muette et veule. Au loin les porteurs du cadavre lancent leurs cris).
Dans le poème ‘Mukti’(Liberté), c’est la hantise baudelairienne de l’exil que l’on retrouve :
« Katakir gandhe duranta,
Ei andhakar amake ki kore chhobe ?
Paharer dhusar stabdhatay santa ami,
Amar andhakare ami
Nirjan diper moto sudur nisanga. » (s.2,v.1-5)
(Comment pourront me toucher ces ténèbres déchaînés au parfum de leurs fleurs enivrantes ? Je suis calme dans le silence grisâtre de la montagne. Dans mes ténèbres, je suis lointain comme une île déserte et solitaire).
Partout dans les œuvres de Samar Sen se décèle une présence baudelairienne. Sa conception de la mort pourtant n’est pas du tout baudelairienne : ‘Esechi andhakar theke, jatra shes hobe andhakare’ ( Je viens des ténèbres et je terminerai mon voyage dans les ténèbres— Itihas : L’Histoire; s.1v.8-9 ).
Malgré son court passage dans la poésie bengalie, il lui donna pourtant une direction toute baudelairienne. Disant adieu à la poésie, ce poète exceptionnellement doué passa la fin de sa vie à lutter contre l’injustice, l’exploitation et l’oppression
Samar Sen (1916-1981), prit sa licence en littérature anglaise à l’Université de Calcutta en 1938. Il publia son premier poème en 1934 dans la revue de son département. Dans le premier numéro de la revue ‘Kabita’ (Poésie) de Buddhadev Bose, il publia en 1935, quatre autres poèmes. En 1946, après une douzaine d’années comme Rimbaud, il abandonna la poésie.
Bien que Samar Sen ait commencé à publier vers la fin des années trente, il est cependant considéré par plusieurs critiques bengalis comme le plus célèbre poète moderne de la quatrième décade. En fait il fit la liaison entre les deux décades.
En 1937, parut son premier recueil ‘Kayekti Kabita’ (Quelques poèmes), puis en 1940, ‘Grahan O Anyanya Kabita’(Éclipse et autres poèmes),1942, ‘Nana Katha’ (Propos Variés) et ‘Tin Purus’ (Trois générations).
C’est par Eliot que, lui aussi subit l’influence de Baudelaire, influence dont témoigne ce jugement d’Arun Mitra, ‘Ses premiers poèmes avec leur tristesse, leur souffrance cachée, leur désenchantement et leur touche de désespoir enrichirent la poésie bengalie de goûts nouveaux’, Kabi Samar Sen : Le Poète Samar Sen, Anustup,v.22,n.2-3, p.3, 1988).
Les extraits suivants témoignent de la même influence pour ce qui touche à l’amour : « Stabdha rate keno tumi berie jao ?
Akashe chand nai, akash andhakar.
... ... ...
Amake keno chherhe jao
Milaner muhurta hote biraher stabdhatay ?
... .... ...
Sahasa bujhte pari—
Diner pare keno rat ase
Ar tarara kanpe apan mane,
... ... ...
Bujhte pari keno
Stabdha rate amake tumi chherhe jao
Milaner muhurta theke biraher stabdhatay. »
(Nishtabdhatar chhanda : Rythme du silence;
s.1,v.1-2; s.2, v.7-8; s.3,v.3-5,9-11)
(Pas de bruit, il fait nuit, pourquoi donc sors-tu ? Pas de lune dans le ciel, il n’est que ténèbres. ...Pourquoi me désertes-tu, quittes-tu mon étreinte pour la désolation de la solitude. ...Soudainement je comprends— Pourquoi la nuit vient après la jour et les cœurs des étoiles tremblent, ... Je comprends pour qui tu me désertes au milieu d’une nuit muette, pourquoi tu quittes mon étreinte pour la désolation de la solitude).
Voir aussi les poèmes ‘Nagarika’ (Courtisane), ‘Duhswapna’ (Cauchemar), ‘Prem’ (Amour), ‘Ekti Meye’ (Une Jeune fille).
On trouve l’angoisse du spleen surtout dans ‘Urbashi’ (La nymphe séductrice), ‘Swarga Hote Biday’ (Expulsés du Ciel), ‘Ekti Bekar Premik’ (Amant en chômage), ‘Kayekti Din’ (Quelques jours), ‘Ebar Phirao More’(Cette fois rappelez- moi), ‘Basanta’ (Printemps), ‘Kranti’ ( Transition), ‘Nasta Nirh’ ( Nid détruit), ‘Shob Jatra’ (Cortège funèbre). Dans ce dernier poème, se trouvent les vers suivants : ‘Dhusar digante jage kalo paharh,
Kaler chhaya.
Marubhumi alorhita bhoyal jharhe,
E prachin nagare
Urdhagrib ut santarpane chale
Digwijayi madan shahare narak jwale.
... ... ...
Jibaner shes prante karal shunyer pare
Abar pratham galita shober sanidhye mukhomukhi darhai,
... ... ...
Asanna prasaba andhakare
Kshuradhar nakhe matite anka kase
Kara taka gone, ar kalo tas bhanje,
Samalobhi thonte anka
Karkash, sabdahin hin utkantha.
Dure sabjatri hanke. »
(Prt.1, s.2,v.1-6; Prt.4,s.1,v.6-7; Prt.8 s.1,v.5-10)
(A l’horizon grisâtre, veille une montagne noire qui est comme l’ombre du temps. Le désert est secoué d’une tempête terrifiante; dans la vieille cité mon chameau s’avance prudemment la tête haute. Cupide, partout invincible, allume son feu infernal dans la cité. ... Aux confins de ma vie, au bord d’un vide affreux, je fais face à nouveau à ce premier cadavre en décomposition de ma vie ... Dans l’obscurité près d’enfanter, de leurs ongles à tranchant de rasoir, faisant leur calcul sur le sol qui comptent argent et battent les cartes noires. Sur leur lèvres mêmement cupides, se dessine une angoisse brute, muette et veule. Au loin les porteurs du cadavre lancent leurs cris).
Dans le poème ‘Mukti’(Liberté), c’est la hantise baudelairienne de l’exil que l’on retrouve :
« Katakir gandhe duranta,
Ei andhakar amake ki kore chhobe ?
Paharer dhusar stabdhatay santa ami,
Amar andhakare ami
Nirjan diper moto sudur nisanga. » (s.2,v.1-5)
(Comment pourront me toucher ces ténèbres déchaînés au parfum de leurs fleurs enivrantes ? Je suis calme dans le silence grisâtre de la montagne. Dans mes ténèbres, je suis lointain comme une île déserte et solitaire).
Partout dans les œuvres de Samar Sen se décèle une présence baudelairienne. Sa conception de la mort pourtant n’est pas du tout baudelairienne : ‘Esechi andhakar theke, jatra shes hobe andhakare’ ( Je viens des ténèbres et je terminerai mon voyage dans les ténèbres— Itihas : L’Histoire; s.1v.8-9 ).
Malgré son court passage dans la poésie bengalie, il lui donna pourtant une direction toute baudelairienne. Disant adieu à la poésie, ce poète exceptionnellement doué passa la fin de sa vie à lutter contre l’injustice, l’exploitation et l’oppression
Sunday, June 05, 2005
LES POÈTES DE GAUCHE
Parmi les poètes de la quatrième décade quelques-uns seulement subirent l’influence de Baudelaire par l’intermédiaire de la littérature anglaise et des littératures étrangères, particulièrement cultivées dans les revues ‘Kabita’(Poésie), ‘Porichay’ (Présentation), ‘Pragati’(Progrès), etc.. Par ailleurs ceux qui subirent surtout l’influence du marxisme, fait remarquable, restèrent malgré tout imprégnés de baudelairisme.
Dans le premier groupe nous trouvons des poètes comme Kiran Sankar Sengupta, Birendra Chattopadhyay, Monindra Roy, Arun Mitra et quelques autres.
Kiran Sankar Sengupta
Kiran Sankar Sengupta en 1918, avant la partition, naquit à Dhaka, dans le Bangladesh. Il obtint sa licence en anglais à l’université de Dhaka vers les années quarante. Son talent poétique atteint sa maturité au contact des œuvres de Mohitlal Majumdar, Buddhadev Bose, Sudhindranath Dutta, Jibanananda Das et Samar Sen. Buddhadev Bose était son idéal littéraire et sa source d’inspiration, bien que, comme étudiant de littérature anglaise, il avait lu très attentivement Eliot et Yeats. Il publia ses poèmes dans ‘Kabita’ (Poésie), ‘Porichay’ (Présentation), ‘Desh’ (Pays natal), ‘Nabasakti’ (Force nouvelle), en 1936-1937. Ses recueils les plus célèbres sont ‘Swapna Kamana’(Désirs nés de rêves,1938), ‘Swar O Annanya Kabita’(Son de voix et autres poèmes,1953), ‘Din Japan’(Une Journée, 1962), 'Ai Ek Samay’(Ce Temps-ci, 1983), ‘Bristi Elo’(Alors vint la pluie, 1983), ‘Manus Jane’(Les Hommes savent,1985).
Dans son poème ‘Ami Nahi Swarger Debata’(Je ne suis pas un dieu céleste), on retrouve l’amour sensuel à la Baudelaire :
« Mor dui upabasi ankhi
Tomar urute khonje kamanar adbhut isara,
Taba jugma purna payodhar – Ki dharan kariyachhe tara ?
Sob katha balibar noy,
Amari rakter dheu ami kari bhoy. »
(Ami Nahi Swarger Debata, s.3 v.1-5)
(Mes deux yeux sortant de leur jeûne, cherchent dans tes cuisses l’étrange frisson du désir, tes deux seins sont pleins, que peuvent-ils bien contenir? Tout n’est pas à dire candidement! Je redoute les pulsions de mon sang).
De même aussi dans les poèmes ‘He Lalita Ferao Nayan’ (Hé Lalita, tourne tes yeux), ‘Shatru’ (Ennemi) etc..
Dans le poème ‘Swar’ (Son de voix), c’est un spleen de type Baudelairien que l’on trouve :
« Chup chap : Tik-tik gharir awaj
E ghare gumot :
Tas khele kaj nai aj.
‘Oindrilar ki khabar : Se chithir esechhe uttar?’
Tumi jano, ami jani, jane to sabai,
E jiban ki bhisan fanka. »
(Swar, s.2 v1-5)
(Pas de bruits, l’horloge fait tic-tac. Le chaleur de la chambre est étouffante. Inutile de vouloir jouer aux cartes aujourd’hui. Y-a-t’il des nouvelles d’Ondrila? La réponse à cette lettre est-elle venue? Tu sais, je sais, tous savent combien terriblement vide est cette vie).
Vers la fin de sa vie il tomba sous l’influence du marxisme révolutionnaire...
Birendra Chattopadhyay
Birendra Chattopadhyay (1920) naquit à Bejgaon, district de Bikrampur au Bangladesh, en 1920. Il passa toute son enfance à Calcutta. Il publia son premier recueil ‘Graha Chutya’(Tombé d’une planète) en 1944. Entre 1946 et 1968 parurent seize recueils de poèmes presque tous portants des traces de l’influence de Baudelaire.
Par exemple l’angoisse du spleen se retrouve dans le poème ‘Majhe Majhe Maltana Garhir Shabda’ (De temps en temps se fait entendre le bruit des camions à marchandise) du recueil ‘Graha Chutya’(Tombé d’une planète) de 1942:
« Majhe majhe maltana garhir sabda,
Kukurer kanna!
Tomar rater ghumer pashe amar ratri jagaran.
Adbhut ai prithibite jibandharan. »
(Majhe Majhe Maltana Garhir Shabda s.1,v.1-4)
(De temps en temps se font entendre le bruit des camions à marchandise, les gémissements des chiens! D’un côté ta nuit de sommeil, de l’autre ma nuit blanche. Etrange que vivre dans ce monde!).
Et dans le poème ‘Prabas’ (Exil) du recueil ‘Lakshindar’ (Le Héro) de 1956 :
« Tomra fire jao! Kothay Dwarakay,
Narir dehamade pashura lubdha:
Kothay shishukeo jyanta chhirhe khay
Ahata nekrhera, emni juddha!
Ki habe ghum theke se deshe hente fele?
Sudarsan ami diyechhi chhurhe fele.
Ekhane ai ghase hriday dhekhe niye
Ghuchabo dandher, joyer klanti— »
(Prabas, s.3,v.1-8)
(Retournez! C’est au pays de la paix (Dwaraka) que se vit une guerre où des êtres bestiaux sont grisés par le corps de la femme, des enfants sont déchirés et dévorés vivants par des loups blessés! A quoi bon sortir de son sommeil pour se mettre en marche vers un tel pays? Moi qui ai jeté loin de moi les armes du droit. Couvrant mon cœur des herbes d’ici, je me débarrasserai de la fatigue des conflits, des victoires).
Voir aussi sur le même sujet les poèmes ‘Manusher Mukh’ (Face humaine), ‘Kobe Khuni Bolechhilo...’(Quand l’assassin avait-il dit ...), ‘Dol O Purnima’ (Réjouissances du printemps et pleine lune), ‘Tomar Pataka Jare Dao : Nata Janu Besyar Prarthana’ (Au porte-drapeau : prière d’une putain à genoux) etc..
La conception baudelairienne de l’amour avec sa sensualité, sa monotonie et parfois sa beauté spirituelle se retrouve surtout dans les poèmes suivants : ‘Bhalobasar Shatrutatei’ (Haine d’amour), ‘Klanti, Klanti’ (Fatigue! ma fatigue!), ‘Keya Jharh’ (Tempête de fleurs blanches), ‘Sonar Chand Chhele’ ( Mon petit génie), ‘Samoy Jhariya Parhe’(Le Temps coule), ‘Phul Phutuk Tabai Basanta’ (Tout a fleuri, le printemps est là), ‘Alor Mukhoshe Tumi’(Ton visage rayonnant de beauté), ‘Udbastu’(Réfugié).
A titre d’exemple les vers suivants :
«Chheleti ekdin dekhechhilo, aj jake dekha jayna
Rupoli joytsnar made bhijano kono ek meyer sharir—
Snaner jaler mato se sharir theke alor mod garhiye parhchhe;
D,ekhe dekhe se mod dharlo, enameler kanabhangha patratate bhore
Shushe nite chailo ekti meyer gota sharir. »
(Sonar Chand Chhele : Mon petit génie; s.2,v.1-6 )
(Le garçon vit un jour, aujourd’hui invisible, un corps de jeune fille baignant dans le nectar d’une lune argentée —Ce nectar lumineux dégoulina de ce corps comme l’eau du bain; le dévorant des yeux, il se mit à se saoûler, remplissant sa coupe d’émail à l’oreille brisée, il désira sucer un corps entier de jeune fille).
« Alor mukhasree tumi nirmal ananda
Panke jeno nilotpal hesechhe durjoge;
Raktasnata hridayer durarogya roge
Je tumi santir sparsha chandaner gandha . »
(Alor Mukhashree Tumi :Ton visage
rayonnant de beauté; s.1v.1-4)
(Ton visage resplendit de beauté et de pure joie. On dirait qu’un lotus bleu sourit dans la boue des calamités. Dans la maladie fatale d’un cœur baigné de sang, tu apportes la caresse de ta paix, le parfum de ton bois de santal).
Ces vers nous rappellent ‘Hymne’ de Baudelaire :
« À la très-chère, à la très-belle,
Qui remplit mon cœur de clarté,
... ... ...
Sachet toujours frais qui parfume
L’atmosphère d’un cher réduit,
... ... ...
À la très-bonne, à la très-belle
Qui fait ma joie et ma santé,... »
(Hymne, s.1,v.1-2; s.3,v.1-2; s.5,v.1-2)
Pour Birendra Chattopadhyay la mort se présente comme un ami [voir, ‘Klanti, Klanti’(Fatigue! ma fatigue)], comme le visage d’une amante :
«….Maranto aparup bhorer aswasti,
Tomar mukher mato juni phul ; …. »
(Anya Desh : Autre Pays ; s.1,v.1-4)
(La mort est comme le frisson d’une aurore merveilleuse, fleur de jasmin semblable à ton visage).
Elle est aimée comme la femme de Baudelaire ‘nettoyant notre mépris, essuyant notre fatigue’. La lecture des poèmes ‘Swadesh’(Pays natal) et ‘Romain Rolland : Manusher Nam’ (Nom d’homme) nous font penser par leur forme, au ‘Spleen de Paris’. Son usage des symboles et des mythes, son imagerie, comme ci-dessous celles du grand épique Mahabharata, sont aussi de type très baudelairien :
« Utsob pataka orhe Hasthinay. Tabu ghare ghare
Gan bandha. Gandharir shata chhele urhe gechhe jharhe.»
The city that was Berlin : Le Cité qui
était Berlin ; v.1-2)
(Dans la capitale, on a hissé les drapeaux de fête! Pourtant dans toutes les demeures, pas de chants! Les cent fils de la mère des vaincus (Gandhari) ont été emportés dans la tempête! )...
Manindra Roy
Manindra Roy (1913) un des célèbres poètes de la quatrième décade, né en 1913, composa plus de trente recueils de poèmes à partir de 1936. Parmi eux, ‘Trisanku’ (Indécis, 1939 ), ‘Mukher Mela’ ( Foire de visages, 1959), ‘Vietnam : Ei Janma, Janmabhumi’ ( Vietnam, cette vie, pays natal, 1969 ), ‘Mathay Jarano Jalpai Pallab’ (Le Tête couronnée de feuilles d’olivier,1984 ), sont les plus célèbres. Il y est inspiré aussi bien par la vie urbaine que rurale.
Dans le poème suivant on retrouve une conception baudelairienne de l’amour :
« Tomar dehake ami chhui;
Tomar staner opar hat rakhai —
Krisaker hat sparsa kare jaman tar dhaner shis.
Tabu jatabar jahaj bhasai tomar upakuler dike,
Charidike shudhu jale doba agnigirir garjan,
Ar ghurni ar mrityu
Kothay amar mati, amar ashroy, amar swapna!
Ei shunyata amay prahar kore. »
( Amake Jagte Dao : Réveillez-moi, s.2, v.1-8)
(Je touche ton corps, je place mes mains sur tes seins, comme les mains du paysan palpe les épis des tiges de riz. Pourtant chaque fois que je fais glisser mon vaisseau vers ton rivage, je n’entends que le rugissement de volcans engloutis sous les eaux, des tornades et de la mort! Où est ma terre, mon refuge, mon rêve! Ce néant me frappe au visage).
Voir aussi à ce sujet les poèmes ‘Ratri O Reba’ (La Nuit et la jeune Reba), ‘Ebar Bhurur Madhye Eso’ (Cette fois, reprends ta place entre mes sourcils), ‘Charhuier Prati’ (Au petit moineau), ‘Abar Shristrir Kendre’(Retour au cœur de la création).
Dans le poème ‘Mukti’( Libération), c’est le spleen baudelairien qui s’exprime :
« Charidike shudhu aj tikshna hahakar,
Sandhar durta apaghat.
Dibaser uttejana rajanir galita bishad,
Jibaner ai upahar. » (Mukti ,s.2, v.1-4)
(Aujourd’hui de tous côtés on n’entend que des cris aigus de douleur, les attaques sournoises du doute. L’excitation de la journée, la tristesse visqueuse de la nuit, c’est tout ce que la vie offre).
Voir aussi les poèmes ‘Sai Lokta’ (Cet homme), ‘Prithibi Amar Pritha’ (Mon univers comme une mère impuissante —Pritha, mère des cinq héros du Mahabharata), ‘Hoke Na Se Shoytan’(Même s’il est Satan), ‘Adbhut Mukhosh Juddhe’ (Etrange conflit voilé).
Il est donc clair que Monindra Roy porte des traces d’influence baudelairienne qui lui sont venues par Eliot et Yeats et ses prédécesseurs tels que Jibanananda, Sudhindranath, Buddhadev Bose...
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Pour publier cet essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Dans le premier groupe nous trouvons des poètes comme Kiran Sankar Sengupta, Birendra Chattopadhyay, Monindra Roy, Arun Mitra et quelques autres.
Kiran Sankar Sengupta
Kiran Sankar Sengupta en 1918, avant la partition, naquit à Dhaka, dans le Bangladesh. Il obtint sa licence en anglais à l’université de Dhaka vers les années quarante. Son talent poétique atteint sa maturité au contact des œuvres de Mohitlal Majumdar, Buddhadev Bose, Sudhindranath Dutta, Jibanananda Das et Samar Sen. Buddhadev Bose était son idéal littéraire et sa source d’inspiration, bien que, comme étudiant de littérature anglaise, il avait lu très attentivement Eliot et Yeats. Il publia ses poèmes dans ‘Kabita’ (Poésie), ‘Porichay’ (Présentation), ‘Desh’ (Pays natal), ‘Nabasakti’ (Force nouvelle), en 1936-1937. Ses recueils les plus célèbres sont ‘Swapna Kamana’(Désirs nés de rêves,1938), ‘Swar O Annanya Kabita’(Son de voix et autres poèmes,1953), ‘Din Japan’(Une Journée, 1962), 'Ai Ek Samay’(Ce Temps-ci, 1983), ‘Bristi Elo’(Alors vint la pluie, 1983), ‘Manus Jane’(Les Hommes savent,1985).
Dans son poème ‘Ami Nahi Swarger Debata’(Je ne suis pas un dieu céleste), on retrouve l’amour sensuel à la Baudelaire :
« Mor dui upabasi ankhi
Tomar urute khonje kamanar adbhut isara,
Taba jugma purna payodhar – Ki dharan kariyachhe tara ?
Sob katha balibar noy,
Amari rakter dheu ami kari bhoy. »
(Ami Nahi Swarger Debata, s.3 v.1-5)
(Mes deux yeux sortant de leur jeûne, cherchent dans tes cuisses l’étrange frisson du désir, tes deux seins sont pleins, que peuvent-ils bien contenir? Tout n’est pas à dire candidement! Je redoute les pulsions de mon sang).
De même aussi dans les poèmes ‘He Lalita Ferao Nayan’ (Hé Lalita, tourne tes yeux), ‘Shatru’ (Ennemi) etc..
Dans le poème ‘Swar’ (Son de voix), c’est un spleen de type Baudelairien que l’on trouve :
« Chup chap : Tik-tik gharir awaj
E ghare gumot :
Tas khele kaj nai aj.
‘Oindrilar ki khabar : Se chithir esechhe uttar?’
Tumi jano, ami jani, jane to sabai,
E jiban ki bhisan fanka. »
(Swar, s.2 v1-5)
(Pas de bruits, l’horloge fait tic-tac. Le chaleur de la chambre est étouffante. Inutile de vouloir jouer aux cartes aujourd’hui. Y-a-t’il des nouvelles d’Ondrila? La réponse à cette lettre est-elle venue? Tu sais, je sais, tous savent combien terriblement vide est cette vie).
Vers la fin de sa vie il tomba sous l’influence du marxisme révolutionnaire...
Birendra Chattopadhyay
Birendra Chattopadhyay (1920) naquit à Bejgaon, district de Bikrampur au Bangladesh, en 1920. Il passa toute son enfance à Calcutta. Il publia son premier recueil ‘Graha Chutya’(Tombé d’une planète) en 1944. Entre 1946 et 1968 parurent seize recueils de poèmes presque tous portants des traces de l’influence de Baudelaire.
Par exemple l’angoisse du spleen se retrouve dans le poème ‘Majhe Majhe Maltana Garhir Shabda’ (De temps en temps se fait entendre le bruit des camions à marchandise) du recueil ‘Graha Chutya’(Tombé d’une planète) de 1942:
« Majhe majhe maltana garhir sabda,
Kukurer kanna!
Tomar rater ghumer pashe amar ratri jagaran.
Adbhut ai prithibite jibandharan. »
(Majhe Majhe Maltana Garhir Shabda s.1,v.1-4)
(De temps en temps se font entendre le bruit des camions à marchandise, les gémissements des chiens! D’un côté ta nuit de sommeil, de l’autre ma nuit blanche. Etrange que vivre dans ce monde!).
Et dans le poème ‘Prabas’ (Exil) du recueil ‘Lakshindar’ (Le Héro) de 1956 :
« Tomra fire jao! Kothay Dwarakay,
Narir dehamade pashura lubdha:
Kothay shishukeo jyanta chhirhe khay
Ahata nekrhera, emni juddha!
Ki habe ghum theke se deshe hente fele?
Sudarsan ami diyechhi chhurhe fele.
Ekhane ai ghase hriday dhekhe niye
Ghuchabo dandher, joyer klanti— »
(Prabas, s.3,v.1-8)
(Retournez! C’est au pays de la paix (Dwaraka) que se vit une guerre où des êtres bestiaux sont grisés par le corps de la femme, des enfants sont déchirés et dévorés vivants par des loups blessés! A quoi bon sortir de son sommeil pour se mettre en marche vers un tel pays? Moi qui ai jeté loin de moi les armes du droit. Couvrant mon cœur des herbes d’ici, je me débarrasserai de la fatigue des conflits, des victoires).
Voir aussi sur le même sujet les poèmes ‘Manusher Mukh’ (Face humaine), ‘Kobe Khuni Bolechhilo...’(Quand l’assassin avait-il dit ...), ‘Dol O Purnima’ (Réjouissances du printemps et pleine lune), ‘Tomar Pataka Jare Dao : Nata Janu Besyar Prarthana’ (Au porte-drapeau : prière d’une putain à genoux) etc..
La conception baudelairienne de l’amour avec sa sensualité, sa monotonie et parfois sa beauté spirituelle se retrouve surtout dans les poèmes suivants : ‘Bhalobasar Shatrutatei’ (Haine d’amour), ‘Klanti, Klanti’ (Fatigue! ma fatigue!), ‘Keya Jharh’ (Tempête de fleurs blanches), ‘Sonar Chand Chhele’ ( Mon petit génie), ‘Samoy Jhariya Parhe’(Le Temps coule), ‘Phul Phutuk Tabai Basanta’ (Tout a fleuri, le printemps est là), ‘Alor Mukhoshe Tumi’(Ton visage rayonnant de beauté), ‘Udbastu’(Réfugié).
A titre d’exemple les vers suivants :
«Chheleti ekdin dekhechhilo, aj jake dekha jayna
Rupoli joytsnar made bhijano kono ek meyer sharir—
Snaner jaler mato se sharir theke alor mod garhiye parhchhe;
D,ekhe dekhe se mod dharlo, enameler kanabhangha patratate bhore
Shushe nite chailo ekti meyer gota sharir. »
(Sonar Chand Chhele : Mon petit génie; s.2,v.1-6 )
(Le garçon vit un jour, aujourd’hui invisible, un corps de jeune fille baignant dans le nectar d’une lune argentée —Ce nectar lumineux dégoulina de ce corps comme l’eau du bain; le dévorant des yeux, il se mit à se saoûler, remplissant sa coupe d’émail à l’oreille brisée, il désira sucer un corps entier de jeune fille).
« Alor mukhasree tumi nirmal ananda
Panke jeno nilotpal hesechhe durjoge;
Raktasnata hridayer durarogya roge
Je tumi santir sparsha chandaner gandha . »
(Alor Mukhashree Tumi :Ton visage
rayonnant de beauté; s.1v.1-4)
(Ton visage resplendit de beauté et de pure joie. On dirait qu’un lotus bleu sourit dans la boue des calamités. Dans la maladie fatale d’un cœur baigné de sang, tu apportes la caresse de ta paix, le parfum de ton bois de santal).
Ces vers nous rappellent ‘Hymne’ de Baudelaire :
« À la très-chère, à la très-belle,
Qui remplit mon cœur de clarté,
... ... ...
Sachet toujours frais qui parfume
L’atmosphère d’un cher réduit,
... ... ...
À la très-bonne, à la très-belle
Qui fait ma joie et ma santé,... »
(Hymne, s.1,v.1-2; s.3,v.1-2; s.5,v.1-2)
Pour Birendra Chattopadhyay la mort se présente comme un ami [voir, ‘Klanti, Klanti’(Fatigue! ma fatigue)], comme le visage d’une amante :
«….Maranto aparup bhorer aswasti,
Tomar mukher mato juni phul ; …. »
(Anya Desh : Autre Pays ; s.1,v.1-4)
(La mort est comme le frisson d’une aurore merveilleuse, fleur de jasmin semblable à ton visage).
Elle est aimée comme la femme de Baudelaire ‘nettoyant notre mépris, essuyant notre fatigue’. La lecture des poèmes ‘Swadesh’(Pays natal) et ‘Romain Rolland : Manusher Nam’ (Nom d’homme) nous font penser par leur forme, au ‘Spleen de Paris’. Son usage des symboles et des mythes, son imagerie, comme ci-dessous celles du grand épique Mahabharata, sont aussi de type très baudelairien :
« Utsob pataka orhe Hasthinay. Tabu ghare ghare
Gan bandha. Gandharir shata chhele urhe gechhe jharhe.»
The city that was Berlin : Le Cité qui
était Berlin ; v.1-2)
(Dans la capitale, on a hissé les drapeaux de fête! Pourtant dans toutes les demeures, pas de chants! Les cent fils de la mère des vaincus (Gandhari) ont été emportés dans la tempête! )...
Manindra Roy
Manindra Roy (1913) un des célèbres poètes de la quatrième décade, né en 1913, composa plus de trente recueils de poèmes à partir de 1936. Parmi eux, ‘Trisanku’ (Indécis, 1939 ), ‘Mukher Mela’ ( Foire de visages, 1959), ‘Vietnam : Ei Janma, Janmabhumi’ ( Vietnam, cette vie, pays natal, 1969 ), ‘Mathay Jarano Jalpai Pallab’ (Le Tête couronnée de feuilles d’olivier,1984 ), sont les plus célèbres. Il y est inspiré aussi bien par la vie urbaine que rurale.
Dans le poème suivant on retrouve une conception baudelairienne de l’amour :
« Tomar dehake ami chhui;
Tomar staner opar hat rakhai —
Krisaker hat sparsa kare jaman tar dhaner shis.
Tabu jatabar jahaj bhasai tomar upakuler dike,
Charidike shudhu jale doba agnigirir garjan,
Ar ghurni ar mrityu
Kothay amar mati, amar ashroy, amar swapna!
Ei shunyata amay prahar kore. »
( Amake Jagte Dao : Réveillez-moi, s.2, v.1-8)
(Je touche ton corps, je place mes mains sur tes seins, comme les mains du paysan palpe les épis des tiges de riz. Pourtant chaque fois que je fais glisser mon vaisseau vers ton rivage, je n’entends que le rugissement de volcans engloutis sous les eaux, des tornades et de la mort! Où est ma terre, mon refuge, mon rêve! Ce néant me frappe au visage).
Voir aussi à ce sujet les poèmes ‘Ratri O Reba’ (La Nuit et la jeune Reba), ‘Ebar Bhurur Madhye Eso’ (Cette fois, reprends ta place entre mes sourcils), ‘Charhuier Prati’ (Au petit moineau), ‘Abar Shristrir Kendre’(Retour au cœur de la création).
Dans le poème ‘Mukti’( Libération), c’est le spleen baudelairien qui s’exprime :
« Charidike shudhu aj tikshna hahakar,
Sandhar durta apaghat.
Dibaser uttejana rajanir galita bishad,
Jibaner ai upahar. » (Mukti ,s.2, v.1-4)
(Aujourd’hui de tous côtés on n’entend que des cris aigus de douleur, les attaques sournoises du doute. L’excitation de la journée, la tristesse visqueuse de la nuit, c’est tout ce que la vie offre).
Voir aussi les poèmes ‘Sai Lokta’ (Cet homme), ‘Prithibi Amar Pritha’ (Mon univers comme une mère impuissante —Pritha, mère des cinq héros du Mahabharata), ‘Hoke Na Se Shoytan’(Même s’il est Satan), ‘Adbhut Mukhosh Juddhe’ (Etrange conflit voilé).
Il est donc clair que Monindra Roy porte des traces d’influence baudelairienne qui lui sont venues par Eliot et Yeats et ses prédécesseurs tels que Jibanananda, Sudhindranath, Buddhadev Bose...
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LE LANGUIST
Arun Mitra
Arun Mitra (1913-2000) né en 1913, un des poètes célèbres de la quatrième décade, publia de nombreux recueils de poèmes, parmi lesquels ‘Pranta Rekha’(Limite, 1943), ‘Ghanistha Tap’(Intime Tiédeur,1963), ‘Pratham Pali, Shes Pathar’( Premier limon, dernière pierre, 1980), ‘Khunjte Khunjte Eto Dur’(À ce point de mes recherches, 1986) sont très importants. Docteur ès lettres en littérature française, il fit une carrière de professeur de français. Comme les autres poètes modernes de l’époque il subit l’influence du Marxisme. L’influence de Baudelaire est aussi visible dans plusieurs de ses poèmes. Dans le poème ‘Saikat’(Rivage) par exemple, imprégné de spleen à la baudelairienne :
« Kati mekhlay britha bajyechho bilambita tal.
Taranger karatali bhule jao. Sikta sikatay
Maratmak padachinha. Sankuchita samudra bishal.
... ... ...
Jahajer bhanga khanda bhasaman, jaler kabar
Alakshita; majhe majhe anidrista chatrabhanga shob
Tire bherhe; pran kerhe sanjibita nirjan sagar. »
(Saikat, s.1, v.1-3; s.4, v.1-3 )
(En vain un rythme lent résonne de sa ceinture de clochettes; oublie les applaudissements des vagues. Dans le sable humide, des empreintes de pas de mauvais augure. Immense la mer s’est retirée. ... Les débris de bateau flottent ; sous l’eau invisible, se cachent des sépultures; des cadavres éparpillés en tous sens abordent le rivage; ayant ravi des vies, l’océan désert est en pleine vie).
« Bare barai ai ghar.
Sakaler dhonya penchiye penchiye othe
Darja-janalar fokorgulo hanpay,
Koylar upare mar kannar mukh,
Hanrhi patil khankhan kore. »
(Bare Barai Ai Ghar: Toujours cette même
chambre; s.1,v.1-5)
(Toujours cette même chambre. La fumée du matin monte en spirales, les trous des portes et des fenêtres palpitent, le visage en pleurs de maman sur les charbons brûlants, les marmites béantes).
Ces vers nous rappellent ‘Obsession’ de Baudelaire :
« Je te hais, Océan! tes bonds et tumultes,
Mon esprit les retrouve en lui; ce rire amer
De l’homme vaincu, plein de sanglots et d’insultes,
Je l’entends dans le rire énorme de la mer. »
(s.2, v.1-4 )
À côté de l’ennui, la mélancolie, l’angoisse et la douleur de type baudelairien, on trouve aussi chez Arun Mitra, un esprit de révolte de type Aragon, le poète communiste bien connu.
Arun Mitra ressent la peine de l’exil et éprouve un besoin d’évasion dans les voyages comme Baudelaire :
« Nongar tule bhese parho
Chalo sai shaharer kinar dure rekhe
Jekhane nisthur pasan jwalchhilo,
Sai masta kheter upar diye
Jekhane grismer rajyapat bichhano chhoilo,
Baliyarhir diganta periye chalo,
Tarpar himer akash jurhe
Anya desher rat. »
(Rattirer Hat Aibar Bhangbe: Le Marché de la
nuit prendra fin; s.3,v.1-8 )
(Lève l’ancre, flotte, loin des rivages de cette ville où brûlaient des pierres, où sur ce champ immense régnaient les jouissances cruelles de l’été au-delà des dunes de sable, vers la nuit d’un autre pays, couvrant un ciel d’hiver).
Arun Mitra aime le vers libre. À la fin de sa carrière poétique, il utilise pourtant la prose, ce pour quoi il est redevable au poète des ‘Petits poèmes en prose’. A titre d’exemple, voir ‘Gandi’ (Cercle), ‘Parapar’(Navette), ‘Tara Abishranta Ase’ (Ils reviennent inlassables)...
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Arun Mitra (1913-2000) né en 1913, un des poètes célèbres de la quatrième décade, publia de nombreux recueils de poèmes, parmi lesquels ‘Pranta Rekha’(Limite, 1943), ‘Ghanistha Tap’(Intime Tiédeur,1963), ‘Pratham Pali, Shes Pathar’( Premier limon, dernière pierre, 1980), ‘Khunjte Khunjte Eto Dur’(À ce point de mes recherches, 1986) sont très importants. Docteur ès lettres en littérature française, il fit une carrière de professeur de français. Comme les autres poètes modernes de l’époque il subit l’influence du Marxisme. L’influence de Baudelaire est aussi visible dans plusieurs de ses poèmes. Dans le poème ‘Saikat’(Rivage) par exemple, imprégné de spleen à la baudelairienne :
« Kati mekhlay britha bajyechho bilambita tal.
Taranger karatali bhule jao. Sikta sikatay
Maratmak padachinha. Sankuchita samudra bishal.
... ... ...
Jahajer bhanga khanda bhasaman, jaler kabar
Alakshita; majhe majhe anidrista chatrabhanga shob
Tire bherhe; pran kerhe sanjibita nirjan sagar. »
(Saikat, s.1, v.1-3; s.4, v.1-3 )
(En vain un rythme lent résonne de sa ceinture de clochettes; oublie les applaudissements des vagues. Dans le sable humide, des empreintes de pas de mauvais augure. Immense la mer s’est retirée. ... Les débris de bateau flottent ; sous l’eau invisible, se cachent des sépultures; des cadavres éparpillés en tous sens abordent le rivage; ayant ravi des vies, l’océan désert est en pleine vie).
« Bare barai ai ghar.
Sakaler dhonya penchiye penchiye othe
Darja-janalar fokorgulo hanpay,
Koylar upare mar kannar mukh,
Hanrhi patil khankhan kore. »
(Bare Barai Ai Ghar: Toujours cette même
chambre; s.1,v.1-5)
(Toujours cette même chambre. La fumée du matin monte en spirales, les trous des portes et des fenêtres palpitent, le visage en pleurs de maman sur les charbons brûlants, les marmites béantes).
Ces vers nous rappellent ‘Obsession’ de Baudelaire :
« Je te hais, Océan! tes bonds et tumultes,
Mon esprit les retrouve en lui; ce rire amer
De l’homme vaincu, plein de sanglots et d’insultes,
Je l’entends dans le rire énorme de la mer. »
(s.2, v.1-4 )
À côté de l’ennui, la mélancolie, l’angoisse et la douleur de type baudelairien, on trouve aussi chez Arun Mitra, un esprit de révolte de type Aragon, le poète communiste bien connu.
Arun Mitra ressent la peine de l’exil et éprouve un besoin d’évasion dans les voyages comme Baudelaire :
« Nongar tule bhese parho
Chalo sai shaharer kinar dure rekhe
Jekhane nisthur pasan jwalchhilo,
Sai masta kheter upar diye
Jekhane grismer rajyapat bichhano chhoilo,
Baliyarhir diganta periye chalo,
Tarpar himer akash jurhe
Anya desher rat. »
(Rattirer Hat Aibar Bhangbe: Le Marché de la
nuit prendra fin; s.3,v.1-8 )
(Lève l’ancre, flotte, loin des rivages de cette ville où brûlaient des pierres, où sur ce champ immense régnaient les jouissances cruelles de l’été au-delà des dunes de sable, vers la nuit d’un autre pays, couvrant un ciel d’hiver).
Arun Mitra aime le vers libre. À la fin de sa carrière poétique, il utilise pourtant la prose, ce pour quoi il est redevable au poète des ‘Petits poèmes en prose’. A titre d’exemple, voir ‘Gandi’ (Cercle), ‘Parapar’(Navette), ‘Tara Abishranta Ase’ (Ils reviennent inlassables)...
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UN FERVENT DE BAUDELAIRE
Sanjay Bhattacharyya
Sanjay Bhattacharyya (1909-69) un des célèbres poètes de la quatrième décade, publia dans sa courte vie, dix recueils de poèmes et deux sélections de poèmes choisis: ‘Joubanottar’(Jeunesse passée,1948), ‘Uttar Panchash’ (Cinquante ans passés, 1963), ‘Urbar Urbashi’ (Féconde nymphe céleste) sont les plus célèbres des recueils. Il était éditeur de deux revues: ‘Purbasha’ (Vers l’est,1932) et ‘Nirukta’ (Inexprimée,1940).
Il avait une licence en histoire mais était surtout poète. Il écrivit quelques romans et plusieurs essais. Par Eliot il subit l’influence de Baudelaire. On retrouve le spleen dans les poèmes suivants:
« Kothao eman bindu nai
Jekhane themechhe ese praner kalanki itihas.
Samudrer gan shone saikhane ghas.
Kothao paper kshoy rakheni teman kichhu parichchhanna khai
Pabaker mato, jar nil bahupas
Pabo nad-nadi-hrad-samudra-sinane.»
(Bou: Epouse; s.1,v.1-6)
(Il n’y a nulle part un point où s’est arrêtée l’histoire maculée de la vie. L’herbe écoute le cyclone. Nulle part les dommages du péché n’ont laissé de trous bien discernables dont je recevrai l’étreinte bleue comme du feu, en me baignant dans les rivières, les lacs et la mer).
« Sabuj prithibi achhe —akasher, megher, pakhir.
Sai prithibite bujhi nai ar amader hridayer nirh,
Kshama karo, nirhhara kathin hriday
Nai jadi dite pare nijer purano parichhay. »
(Purano parichoy: Identité de jadis, s.1v.1-4)
(Pour le ciel, les nuages et les oiseaux l’univers est vert, mais dans cet univers il n’y aurait plus de place pour le nid de nos cœurs. Pardonnez-nous, si nos cœurs endurcis pour avoir perdu leur tiédeur de nid ne peuvent plus manifester leur identité de jadis).
Sa conception de l’amour est aussi sous l’influence de Baudelaire :
« Ajike hathat jharjhariye jhare
Kshaye jaoya smritir mato nil
Aparajitar tanbi thare thare
Tomar chuler akash anabil. »
(Manikuntala: Une femme de folklore; s.3 v.1-4 )
(Aujourd’hui, soudainement, comme une incessante averse, comme des souvenirs flétris et bleuâtres, tombent les fleurs ‘invincibles’, sveltes, rampantes et successives du ciel de ta chevelure ...)
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Pour publier cet essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : dr.gautampaul@gmail.com
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Sanjay Bhattacharyya (1909-69) un des célèbres poètes de la quatrième décade, publia dans sa courte vie, dix recueils de poèmes et deux sélections de poèmes choisis: ‘Joubanottar’(Jeunesse passée,1948), ‘Uttar Panchash’ (Cinquante ans passés, 1963), ‘Urbar Urbashi’ (Féconde nymphe céleste) sont les plus célèbres des recueils. Il était éditeur de deux revues: ‘Purbasha’ (Vers l’est,1932) et ‘Nirukta’ (Inexprimée,1940).
Il avait une licence en histoire mais était surtout poète. Il écrivit quelques romans et plusieurs essais. Par Eliot il subit l’influence de Baudelaire. On retrouve le spleen dans les poèmes suivants:
« Kothao eman bindu nai
Jekhane themechhe ese praner kalanki itihas.
Samudrer gan shone saikhane ghas.
Kothao paper kshoy rakheni teman kichhu parichchhanna khai
Pabaker mato, jar nil bahupas
Pabo nad-nadi-hrad-samudra-sinane.»
(Bou: Epouse; s.1,v.1-6)
(Il n’y a nulle part un point où s’est arrêtée l’histoire maculée de la vie. L’herbe écoute le cyclone. Nulle part les dommages du péché n’ont laissé de trous bien discernables dont je recevrai l’étreinte bleue comme du feu, en me baignant dans les rivières, les lacs et la mer).
« Sabuj prithibi achhe —akasher, megher, pakhir.
Sai prithibite bujhi nai ar amader hridayer nirh,
Kshama karo, nirhhara kathin hriday
Nai jadi dite pare nijer purano parichhay. »
(Purano parichoy: Identité de jadis, s.1v.1-4)
(Pour le ciel, les nuages et les oiseaux l’univers est vert, mais dans cet univers il n’y aurait plus de place pour le nid de nos cœurs. Pardonnez-nous, si nos cœurs endurcis pour avoir perdu leur tiédeur de nid ne peuvent plus manifester leur identité de jadis).
Sa conception de l’amour est aussi sous l’influence de Baudelaire :
« Ajike hathat jharjhariye jhare
Kshaye jaoya smritir mato nil
Aparajitar tanbi thare thare
Tomar chuler akash anabil. »
(Manikuntala: Une femme de folklore; s.3 v.1-4 )
(Aujourd’hui, soudainement, comme une incessante averse, comme des souvenirs flétris et bleuâtres, tombent les fleurs ‘invincibles’, sveltes, rampantes et successives du ciel de ta chevelure ...)
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Pour publier cet essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : dr.gautampaul@gmail.com
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LES TROIS REBELLES
Avec la cinquième décade nous approchons de la deuxième guerre mondiale, de la grande famine du Bengale, de l’indépendance de l’Inde et de la ‘partition’ de la province. Les nouveaux Turcs de la poésie bengalie trouvent leur inspiration dans les ombres et les lumières de leur société et cherchent dans la déchéance une voie vers le progrès. Ils sont sous l’influence des poètes européens, Baudelaire, Yeats, Mallarmé, Allen Ginsberg. Les poètes, les plus importants de ce groupe sont Sakti, Sunil et Sarat les trois rebelles du Bengale.
Sakti Chattopadhyay
Sakti Chattopadhyay (1933-95) naquit à Baharu, 24 Parganas (Sud) en 1933. Enfant, ayant perdu son père, il grandit à Calcutta chez son grand-père maternel. Il n’acheva pas ses études de licence en littérature comparée à l’Université de Jadavpur. Il publia son premier poème ‘Jam’(Pluton) dans la revue ‘Kabita’ en 1956. On lui doit 51 recueils de poèmes dont le premier ‘He Prem He Naishabda’ (Hé amour, hé silence), fût publié en 1960. ‘Dharme Achho Jirafeo Achho’ ( Tu es dans la religion et aussi dans la girafe,1965), ‘Prabhu Nasta Hoye Jai’ (Seigneur, je me détériore,1972), ‘Jete Pari Kintu Keno Jabo’ ( Je puis partir mais pourquoi partirai-je ? 1975), ‘He Chiro Pranamya Agni’ (Hé feu, digne de vénération éternelle, 1985) sont parmi les plus célèbres.
Beaucoup de poèmes de Sakti Chattopadhyay ont des touches de spleen baudelairien. Ainsi ‘Janma Ebang Purush’ (Naissance et Homme), ‘Kono Din Pabena Amake’ (Jamais tu ne me posséderas), ‘Tumi Achho —Bhiter Upare Achhe Deyal’ (Tu existes, c’est pourquoi le mur est sur ses fondations), ‘Porhate Chai’(Je désire incendier). Dans ‘Pratikriyashil’ (Réactionnaire) nous trouvons l’exemple suivant :
« Andhakar path chhilo mandirer pashe, jhatigachh chepe dhare hat
Kinba nirankush bhoy ja karo chaitanyamoy jage
Erakam abasthar madhyabarti hole par.
... ... ...
Ai bhabe
Prithibir kichhu satyikar kled dhuye muchhe jabe —
Jebhabe pratima dhoy, sebhabeo dhobe ekdin
Berhoye parhbe kharh kancha bansh —sadhya o dolali.
... ... ...
Ek tikta nasta fale tabu thake pratyasha madhur —
Kintu, keno e-arhal ? Maja bhenge nagto hoye bali :
‘Tikta o birakta ami, nijabhume dirgha prabasi... »
(s.1,v.1-3; s.5,v.17-20; s.7,v.1-3)
(Le Chemin à côté du temple était obscur, l’amarantier se saisit de mes mains, ou bien une peur effrénée qui envahit tout l’être conscient en une telle circonstance. ... De cette manière quelques véritables taches de saleté seront lavées, de la manière dont on lave les idoles, de cette manière une personne sera lavée un jour et sa paille, son ossature de bambous verts se verront, son pouvoir, et son marchandage... Dans un fruit avarié, amer, reste pourtant l’espoir d’une certaine douceur— Mais, pourquoi cette dissimulation? A genoux, tout nu je m’écrie, je suis plein d’amertume et de rancœur, étranger depuis longtemps dans mon pays). A comparer avec l’Albatros.
On retrouve la passion baudelairienne pour la chevelure de la femme aimée dans des poèmes comme ‘Andhakar Salban’ (La Sombre forêt de feuillus), ‘Anchaler Khunt Dhare Gras Korbo’(Saisissant le pan de ton voile je te dévorais) etc..
Poète de l’amour, Sakti Chattopadhyay subit aussi dans ce domaine l’influence de Baudelaire. Ainsi dans ‘Subarnarekhar Janma’ (Naissance de la Subarnarekha).
« Se kakhan durlabh sukhe gale gale shunye pauchhalo. Ananger
andhakarer pithe thikana nakhare biddha korte korte khonjay
rata holam tar.
...Ami tar bhalobasar shob grahan korlam ek
aksham jarodgob paharer niche. Grahan korlam bhoy.
...Tai se jakhan durlav sukhe galegale sunya, adhar-gahware musiker mati, mrinmoy tamaini udbhasita prabhater mato karotikirna, takhan abartake khunji, jake prem bolechi. »
(s.1,v.1-2; s.3,v.1-2; s.4,v.11-12 )
(Quand, se fondant dans un bonheur rare, a-t-elle bien pu se perdre dans le vide! Déchirant de mes ongles acérés le dos tout noir de mon amante, je m’étais mis à sa recherche… Je possédai le cadavre de son amour aux pieds d’une montagne stérile et obtuse. Je me mis à avoir peur. Une fois fondue dans son rare bonheur, toute vide, comme un rat au museau plein de terre, son corps terreux et sombre comme un crâne brillant dans la lumière matinale, c’est alors que je cherche à nouveau ce que j’ai appelé l’amour). Dans sa forme, ce poème nous rappelle ‘Le Spleen de Paris’.
Par Sakti Chattopadhyay, le baudelairisme acquit une nouvelle vigueur dans la poésie bengalie de son époque...
Sunil Gangopadhyay
Sunil Gangopadhyay (1934) né au Bangladesh, passa sa jeunesse à Calcutta. Editeur de la revue ‘Kirtibas’(Le Porteur d’une peau de Tigre c à d Shiva), il y publia de nombreux poèmes de jeunesse. De ses 16 recueils de poèmes, le premier ‘Eka Ebang Koyek Jan’ ( Seul et avec d’autres ) fût publié en 1960. Les autres recueils célèbres sont ‘Bandhi Jege Achho’( Captif en éveil? 1968), ‘Mon Bhalo Nai’( Je ne suis pas heureux,1976), ‘Dekha Holo Bhalobasa Bedonay’ (Rencontre dans l’amour et la douleur, 1989) ‘Nira Hariye Jeyona’ (Nira, ne te perds pas,1989).
Dans ‘Chokh Bandha’( Les Yeux bandés), c’est un amour charnel à la Baudelaire que l’on retrouve :
«Arundhuti, sarbaswa amar
Han karo, a-algive chumu khao, shabda hok brahmnade patale
... ... ...
Buker upar dui pa, flurocent uruday,
Mandir dewale machh
Rup mane parhe—keno eto rup? rup bujhi janmandher kadya
Bujhi mahiser tukro lal kaparh. »
( s.1,v.1-2; s.2,v.1-2)
(Arundhuti, toi mon tout, ouvre ta bouche et donne-moi un profond baiser jusqu’à la luette, qu’il résonne, dans l’univers et les enfers ... tes deux pieds sur ma poitrine et tes deux cuisses brillantes qui me rappellent la forme du poisson sur le mur des temples — pourquoi tant de beauté? La beauté n’est-elle pas la nourriture de l’aveugle de naissance, le morceau de linge rouge qu’on secoue devant le buffle?)
On trouve le même amour sensuel de type baudelairien dans les poèmes ‘Himjug’ (Ere hivernale), ‘Prembihin’ (Sans amour), ‘Klantir Par’ (La Fatigue une fois passée), ‘Sharir Ashariri’(Corps spirituel), ‘Sakhi Amar’ (Ma compagne). Dans quelques poèmes, c’est l’amour spirituel à la baudelairienne que l’on retrouve, comme dans ‘Aparup Rajya’(Dans le royaume du merveilleux), ‘Prabaser Shese’ (En fin d’exil), ‘Sundarer Pashe’ (Aux côtés du beau), ‘Ai Drishya’ (Celle vue) et ‘Nirar Kachhe’(À Nira) où l’on peut lire les vers suivants :
Jai darja khulle ami jantu theke manush holam
Sharir-bhore ghurni khello lamba ekta halde ranger ananda
Na khulleo parte tumi, bolte parte ekhan barho asamoy
Sai na balar dayay halo swarnadin, puspa bristi
jhare parhlo basanay... »
(s.1, v. 1-4 )
(Dès que tu ouvris la porte, d’animal je deviens homme; une joie dorée et prolongée remplit mon corps de ses tourbillons. Tu aurais pu ne pas ouvrir, tu aurais pu dire, ce n’est vraiment pas le moment. Grâce à ce non-dire, ma journée fut dorée, des pluies de fleurs tombèrent sur mes passions).
Pour le sens du spleen voir les poèmes ‘Amar Khanikta Deri Hoye Jay’ (Je suis un peu en retard), ‘Ami O Kolkata’ (Moi et Calcutta), ‘Anarthak Noy’ (Ce n’est pas sans raison), ‘Ai Hat Chhunyechhilo’ (C’est cette main qui l’avait touchée), ‘Kau Katha Rakheni’ (Personne ne tint sa parole), ‘Rakta Makha Sinrhi’ (Escalier taché de sang). A titre d’exemple, citons les vers suivants :
«Jaman upatyaka theke fire esechhi bahubar, paharer churhay otha
hoyni
Jeman hat anjalibaddha korechhi bahubar kakhano prarthana janaini
Jaman narir kachhe mrityuke samarpan korechhilam
Mrityur kachhe narike
... ... ...
Jaman buddhapurnimar ratre gala muchrhe merechhilam dhabal hans
Kanna lukobar janne nadite snan korte giyechhi
Jeman andha meyetir kanthaswar sune mane hoyechhilo
amar purbajanmer chena
... ... ...
Ayur simana keu janena, tai monehoy anek kichhu hariyechhe
Kintu muhurter satyeri matan, sai muhurte shudhu mane parhe
Koisore hariye chhilam ati priya ekta chandan kather botam
Ekhano nake ase tar, mridu sugandha
Sudhu sai botamta haranor dunkhe
Amar thonte katar kshin hasi lege thake. »
(Chandan Kather Botam : Bouton de santal; s.1,v.1-4,17-19;
s.3,v.7-12)
(Comme bien souvent je suis revenue du plateau sans être montée jusqu’au sommet, comme j’ai bien souvent joins mes mains sans jamais avoir prié, comme j’avais remis ma mort aux mains de la femme et la femme aux mains de la mort... Comme j’avais tué une oie blanche en lui tordant le cou au clair de lune de la nuit anniversaire de la naissance du Buddha, j’ai été me baigner à la rivière pour cacher mes larmes, comme entendant la voix d’une jeune aveugle j’avais pensé l’avoir connue dans une existence antérieure... Personne ne sait quand sa vie prendra fin, c’est pourquoi il semble que beaucoup de choses se sont perdues. Mais comme la vérité d’un instant, à cet instant je me rappelle seulement avoir perdu dans ma jeunesse un bouton de bois de santal qui n’était très cher. Même maintenant son léger parfum me monte au nez, rien qu’à la peine d’avoir perdu ce bouton, un triste sourire m’en reste aux lèvres).
Voir aussi le poème ‘Dwarbhanga Jelar Ramani’(Une Belle du district de Darbhanga) qui nous rappelle ‘A une Malabaraise’ de Baudelaire.
L’œuvre célèbre de Sunil Gangopadhyay toute remplie d’un Baudelaire qu’il connaît bien, en transmit l’esprit à ses successeurs...
Sarat Kumar Mukhopadhyay
Sarat Kumar Mukhopadhyay (1931-) un des jeunes poètes éditeurs de la revue ‘Kirtibas’ (Le Porteur d’une peu de Tigre c-à-d Shiva) publia plus de 15 recueils de poèmes et beaucoup de traductions en bengali de poèmes européens mais aucun de Baudelaire, bien que il en subisse l’influence dans la plupart de ses œuvres. Après son premier recueil ‘Sonar Harin’ (Cerf d’or) en 1957, les autres recueils importants parurent en 1969 ‘Kothay Sai Dirgha Chokh’ (Où sont ces grands yeux?), en 1971 ‘Ma Nisad’(Tu ne tueras pas), en 1974 ‘Andhakar Lebuban’ (Une Sombre forêt d’orangers) etc..
Tous ses poèmes d’amour sont marqués de baudelairisme; ainsi :
«‘Tomake bhalobasi’— ai katha eman sahaje
Balar noy. Juktakshar nai bale ai duti shabda uchcharan
Meyeder pakshe soja, jeman ‘kide peyechhe’, jaman ‘barhi jabo’,
Tabu hathat ‘Tomake bhalobasi sunle amar buk
Kenpe othe’, mithye katha, e tomar mithye katha—
... ... ...
Ami ekhano saksham ekhano ekadhik ramani
Amar kandhe matha rekhe danrhate pare, nirbharata
Amar bahute briksher mato atal, bali ki chao,
Balo, ‘Tomake bhalobasi’ —e chhalana.»
( Dekhi Tomar Bhalobasa : Montrez-moi ton amour;s.1,v.1-5,12-15)
(‘Je t’aime’— ces mots ne sont pas à dire trop légèrement. N’ayant pas de lettres, composées et doubles, pour des femmes, prononcer ces deux mots est aisé comme de dire ‘J’ai faim’, ‘J’irai à la maison’. Pourtant si, soudainement, j’entend me dire ‘Je t’aime’, ma poitrine se met à trembler : tu mens, tu me mens ... Je suis encore en pleine force, plus d’une belle peut encore poser sa tête sur mon épaule, s’appuyer sans crainte sur mes bras, comme sur un arbre; dis-moi, que désires-tu, dis moi :‘Je t’aime’—cette ruse mensongère!)
Et encore, en ce qui concerne l’amour spirituel, les vers suivants :
« Hat dharadhari kore dui bandhu cholegelo diganter dike—
... ... ...
Sharirer pratyekti anga ichchhar pratik eka jananendriya na—
Ora paraspar hat dhore chhilo, arthat sahanubhuti, ora paraspar
Pakhir bhasay katha bolte bolte ...arthat bandhuta.
Anya lokaloye chole gelo. »
(Peye Gechhe Hat : Il a reçu la main; s.1,v.1; s.2,v.5-8)
(Main dans la main, deux amis sont partis vers l’horizon lointain. ... Chaque membre du corps est symbole de désir, non seulement le membre viril— Ils marchaient la main dans la main en signe de sympathie, ils papotaient comme des oiseaux ... en signe d’amitié, ils sont partis vers un autre monde).
L’angoisse du spleen baudelairien est aussi présente dans son œuvre :
« Asale nalish chhilo jathesto joralo
Railkartipaksha kinba bidhata, samaj, rajniti
Jibika bandhutwa— sob kichhur birudhhe chhilo bikshobh.
... ... ...
Nasta samayer stup bhenge tabu shabda ase tar,
Ekebare na asar cheye saki bhalonoy! »
(Nalish : Plainte ; s.2,v.8-10; s.3,v.4-5)
(En fait leurs griefs étaient assez graves contre les autorités du chemin de fer, contre Dieu, la société, la politique, le gagne-pain, l’amitié — leur violente révolte était contre tout. Pourtant de l’amas des heures perdues monte sa voix! N’est ce pas meilleur que de ne rien dire! )
Quelques poèmes de la série ‘Stres Sirij’ (La série sous pression) rappellent ‘Les Petits Poèmes en prose’...
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Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Sakti Chattopadhyay
Sakti Chattopadhyay (1933-95) naquit à Baharu, 24 Parganas (Sud) en 1933. Enfant, ayant perdu son père, il grandit à Calcutta chez son grand-père maternel. Il n’acheva pas ses études de licence en littérature comparée à l’Université de Jadavpur. Il publia son premier poème ‘Jam’(Pluton) dans la revue ‘Kabita’ en 1956. On lui doit 51 recueils de poèmes dont le premier ‘He Prem He Naishabda’ (Hé amour, hé silence), fût publié en 1960. ‘Dharme Achho Jirafeo Achho’ ( Tu es dans la religion et aussi dans la girafe,1965), ‘Prabhu Nasta Hoye Jai’ (Seigneur, je me détériore,1972), ‘Jete Pari Kintu Keno Jabo’ ( Je puis partir mais pourquoi partirai-je ? 1975), ‘He Chiro Pranamya Agni’ (Hé feu, digne de vénération éternelle, 1985) sont parmi les plus célèbres.
Beaucoup de poèmes de Sakti Chattopadhyay ont des touches de spleen baudelairien. Ainsi ‘Janma Ebang Purush’ (Naissance et Homme), ‘Kono Din Pabena Amake’ (Jamais tu ne me posséderas), ‘Tumi Achho —Bhiter Upare Achhe Deyal’ (Tu existes, c’est pourquoi le mur est sur ses fondations), ‘Porhate Chai’(Je désire incendier). Dans ‘Pratikriyashil’ (Réactionnaire) nous trouvons l’exemple suivant :
« Andhakar path chhilo mandirer pashe, jhatigachh chepe dhare hat
Kinba nirankush bhoy ja karo chaitanyamoy jage
Erakam abasthar madhyabarti hole par.
... ... ...
Ai bhabe
Prithibir kichhu satyikar kled dhuye muchhe jabe —
Jebhabe pratima dhoy, sebhabeo dhobe ekdin
Berhoye parhbe kharh kancha bansh —sadhya o dolali.
... ... ...
Ek tikta nasta fale tabu thake pratyasha madhur —
Kintu, keno e-arhal ? Maja bhenge nagto hoye bali :
‘Tikta o birakta ami, nijabhume dirgha prabasi... »
(s.1,v.1-3; s.5,v.17-20; s.7,v.1-3)
(Le Chemin à côté du temple était obscur, l’amarantier se saisit de mes mains, ou bien une peur effrénée qui envahit tout l’être conscient en une telle circonstance. ... De cette manière quelques véritables taches de saleté seront lavées, de la manière dont on lave les idoles, de cette manière une personne sera lavée un jour et sa paille, son ossature de bambous verts se verront, son pouvoir, et son marchandage... Dans un fruit avarié, amer, reste pourtant l’espoir d’une certaine douceur— Mais, pourquoi cette dissimulation? A genoux, tout nu je m’écrie, je suis plein d’amertume et de rancœur, étranger depuis longtemps dans mon pays). A comparer avec l’Albatros.
On retrouve la passion baudelairienne pour la chevelure de la femme aimée dans des poèmes comme ‘Andhakar Salban’ (La Sombre forêt de feuillus), ‘Anchaler Khunt Dhare Gras Korbo’(Saisissant le pan de ton voile je te dévorais) etc..
Poète de l’amour, Sakti Chattopadhyay subit aussi dans ce domaine l’influence de Baudelaire. Ainsi dans ‘Subarnarekhar Janma’ (Naissance de la Subarnarekha).
« Se kakhan durlabh sukhe gale gale shunye pauchhalo. Ananger
andhakarer pithe thikana nakhare biddha korte korte khonjay
rata holam tar.
...Ami tar bhalobasar shob grahan korlam ek
aksham jarodgob paharer niche. Grahan korlam bhoy.
...Tai se jakhan durlav sukhe galegale sunya, adhar-gahware musiker mati, mrinmoy tamaini udbhasita prabhater mato karotikirna, takhan abartake khunji, jake prem bolechi. »
(s.1,v.1-2; s.3,v.1-2; s.4,v.11-12 )
(Quand, se fondant dans un bonheur rare, a-t-elle bien pu se perdre dans le vide! Déchirant de mes ongles acérés le dos tout noir de mon amante, je m’étais mis à sa recherche… Je possédai le cadavre de son amour aux pieds d’une montagne stérile et obtuse. Je me mis à avoir peur. Une fois fondue dans son rare bonheur, toute vide, comme un rat au museau plein de terre, son corps terreux et sombre comme un crâne brillant dans la lumière matinale, c’est alors que je cherche à nouveau ce que j’ai appelé l’amour). Dans sa forme, ce poème nous rappelle ‘Le Spleen de Paris’.
Par Sakti Chattopadhyay, le baudelairisme acquit une nouvelle vigueur dans la poésie bengalie de son époque...
Sunil Gangopadhyay
Sunil Gangopadhyay (1934) né au Bangladesh, passa sa jeunesse à Calcutta. Editeur de la revue ‘Kirtibas’(Le Porteur d’une peau de Tigre c à d Shiva), il y publia de nombreux poèmes de jeunesse. De ses 16 recueils de poèmes, le premier ‘Eka Ebang Koyek Jan’ ( Seul et avec d’autres ) fût publié en 1960. Les autres recueils célèbres sont ‘Bandhi Jege Achho’( Captif en éveil? 1968), ‘Mon Bhalo Nai’( Je ne suis pas heureux,1976), ‘Dekha Holo Bhalobasa Bedonay’ (Rencontre dans l’amour et la douleur, 1989) ‘Nira Hariye Jeyona’ (Nira, ne te perds pas,1989).
Dans ‘Chokh Bandha’( Les Yeux bandés), c’est un amour charnel à la Baudelaire que l’on retrouve :
«Arundhuti, sarbaswa amar
Han karo, a-algive chumu khao, shabda hok brahmnade patale
... ... ...
Buker upar dui pa, flurocent uruday,
Mandir dewale machh
Rup mane parhe—keno eto rup? rup bujhi janmandher kadya
Bujhi mahiser tukro lal kaparh. »
( s.1,v.1-2; s.2,v.1-2)
(Arundhuti, toi mon tout, ouvre ta bouche et donne-moi un profond baiser jusqu’à la luette, qu’il résonne, dans l’univers et les enfers ... tes deux pieds sur ma poitrine et tes deux cuisses brillantes qui me rappellent la forme du poisson sur le mur des temples — pourquoi tant de beauté? La beauté n’est-elle pas la nourriture de l’aveugle de naissance, le morceau de linge rouge qu’on secoue devant le buffle?)
On trouve le même amour sensuel de type baudelairien dans les poèmes ‘Himjug’ (Ere hivernale), ‘Prembihin’ (Sans amour), ‘Klantir Par’ (La Fatigue une fois passée), ‘Sharir Ashariri’(Corps spirituel), ‘Sakhi Amar’ (Ma compagne). Dans quelques poèmes, c’est l’amour spirituel à la baudelairienne que l’on retrouve, comme dans ‘Aparup Rajya’(Dans le royaume du merveilleux), ‘Prabaser Shese’ (En fin d’exil), ‘Sundarer Pashe’ (Aux côtés du beau), ‘Ai Drishya’ (Celle vue) et ‘Nirar Kachhe’(À Nira) où l’on peut lire les vers suivants :
Jai darja khulle ami jantu theke manush holam
Sharir-bhore ghurni khello lamba ekta halde ranger ananda
Na khulleo parte tumi, bolte parte ekhan barho asamoy
Sai na balar dayay halo swarnadin, puspa bristi
jhare parhlo basanay... »
(s.1, v. 1-4 )
(Dès que tu ouvris la porte, d’animal je deviens homme; une joie dorée et prolongée remplit mon corps de ses tourbillons. Tu aurais pu ne pas ouvrir, tu aurais pu dire, ce n’est vraiment pas le moment. Grâce à ce non-dire, ma journée fut dorée, des pluies de fleurs tombèrent sur mes passions).
Pour le sens du spleen voir les poèmes ‘Amar Khanikta Deri Hoye Jay’ (Je suis un peu en retard), ‘Ami O Kolkata’ (Moi et Calcutta), ‘Anarthak Noy’ (Ce n’est pas sans raison), ‘Ai Hat Chhunyechhilo’ (C’est cette main qui l’avait touchée), ‘Kau Katha Rakheni’ (Personne ne tint sa parole), ‘Rakta Makha Sinrhi’ (Escalier taché de sang). A titre d’exemple, citons les vers suivants :
«Jaman upatyaka theke fire esechhi bahubar, paharer churhay otha
hoyni
Jeman hat anjalibaddha korechhi bahubar kakhano prarthana janaini
Jaman narir kachhe mrityuke samarpan korechhilam
Mrityur kachhe narike
... ... ...
Jaman buddhapurnimar ratre gala muchrhe merechhilam dhabal hans
Kanna lukobar janne nadite snan korte giyechhi
Jeman andha meyetir kanthaswar sune mane hoyechhilo
amar purbajanmer chena
... ... ...
Ayur simana keu janena, tai monehoy anek kichhu hariyechhe
Kintu muhurter satyeri matan, sai muhurte shudhu mane parhe
Koisore hariye chhilam ati priya ekta chandan kather botam
Ekhano nake ase tar, mridu sugandha
Sudhu sai botamta haranor dunkhe
Amar thonte katar kshin hasi lege thake. »
(Chandan Kather Botam : Bouton de santal; s.1,v.1-4,17-19;
s.3,v.7-12)
(Comme bien souvent je suis revenue du plateau sans être montée jusqu’au sommet, comme j’ai bien souvent joins mes mains sans jamais avoir prié, comme j’avais remis ma mort aux mains de la femme et la femme aux mains de la mort... Comme j’avais tué une oie blanche en lui tordant le cou au clair de lune de la nuit anniversaire de la naissance du Buddha, j’ai été me baigner à la rivière pour cacher mes larmes, comme entendant la voix d’une jeune aveugle j’avais pensé l’avoir connue dans une existence antérieure... Personne ne sait quand sa vie prendra fin, c’est pourquoi il semble que beaucoup de choses se sont perdues. Mais comme la vérité d’un instant, à cet instant je me rappelle seulement avoir perdu dans ma jeunesse un bouton de bois de santal qui n’était très cher. Même maintenant son léger parfum me monte au nez, rien qu’à la peine d’avoir perdu ce bouton, un triste sourire m’en reste aux lèvres).
Voir aussi le poème ‘Dwarbhanga Jelar Ramani’(Une Belle du district de Darbhanga) qui nous rappelle ‘A une Malabaraise’ de Baudelaire.
L’œuvre célèbre de Sunil Gangopadhyay toute remplie d’un Baudelaire qu’il connaît bien, en transmit l’esprit à ses successeurs...
Sarat Kumar Mukhopadhyay
Sarat Kumar Mukhopadhyay (1931-) un des jeunes poètes éditeurs de la revue ‘Kirtibas’ (Le Porteur d’une peu de Tigre c-à-d Shiva) publia plus de 15 recueils de poèmes et beaucoup de traductions en bengali de poèmes européens mais aucun de Baudelaire, bien que il en subisse l’influence dans la plupart de ses œuvres. Après son premier recueil ‘Sonar Harin’ (Cerf d’or) en 1957, les autres recueils importants parurent en 1969 ‘Kothay Sai Dirgha Chokh’ (Où sont ces grands yeux?), en 1971 ‘Ma Nisad’(Tu ne tueras pas), en 1974 ‘Andhakar Lebuban’ (Une Sombre forêt d’orangers) etc..
Tous ses poèmes d’amour sont marqués de baudelairisme; ainsi :
«‘Tomake bhalobasi’— ai katha eman sahaje
Balar noy. Juktakshar nai bale ai duti shabda uchcharan
Meyeder pakshe soja, jeman ‘kide peyechhe’, jaman ‘barhi jabo’,
Tabu hathat ‘Tomake bhalobasi sunle amar buk
Kenpe othe’, mithye katha, e tomar mithye katha—
... ... ...
Ami ekhano saksham ekhano ekadhik ramani
Amar kandhe matha rekhe danrhate pare, nirbharata
Amar bahute briksher mato atal, bali ki chao,
Balo, ‘Tomake bhalobasi’ —e chhalana.»
( Dekhi Tomar Bhalobasa : Montrez-moi ton amour;s.1,v.1-5,12-15)
(‘Je t’aime’— ces mots ne sont pas à dire trop légèrement. N’ayant pas de lettres, composées et doubles, pour des femmes, prononcer ces deux mots est aisé comme de dire ‘J’ai faim’, ‘J’irai à la maison’. Pourtant si, soudainement, j’entend me dire ‘Je t’aime’, ma poitrine se met à trembler : tu mens, tu me mens ... Je suis encore en pleine force, plus d’une belle peut encore poser sa tête sur mon épaule, s’appuyer sans crainte sur mes bras, comme sur un arbre; dis-moi, que désires-tu, dis moi :‘Je t’aime’—cette ruse mensongère!)
Et encore, en ce qui concerne l’amour spirituel, les vers suivants :
« Hat dharadhari kore dui bandhu cholegelo diganter dike—
... ... ...
Sharirer pratyekti anga ichchhar pratik eka jananendriya na—
Ora paraspar hat dhore chhilo, arthat sahanubhuti, ora paraspar
Pakhir bhasay katha bolte bolte ...arthat bandhuta.
Anya lokaloye chole gelo. »
(Peye Gechhe Hat : Il a reçu la main; s.1,v.1; s.2,v.5-8)
(Main dans la main, deux amis sont partis vers l’horizon lointain. ... Chaque membre du corps est symbole de désir, non seulement le membre viril— Ils marchaient la main dans la main en signe de sympathie, ils papotaient comme des oiseaux ... en signe d’amitié, ils sont partis vers un autre monde).
L’angoisse du spleen baudelairien est aussi présente dans son œuvre :
« Asale nalish chhilo jathesto joralo
Railkartipaksha kinba bidhata, samaj, rajniti
Jibika bandhutwa— sob kichhur birudhhe chhilo bikshobh.
... ... ...
Nasta samayer stup bhenge tabu shabda ase tar,
Ekebare na asar cheye saki bhalonoy! »
(Nalish : Plainte ; s.2,v.8-10; s.3,v.4-5)
(En fait leurs griefs étaient assez graves contre les autorités du chemin de fer, contre Dieu, la société, la politique, le gagne-pain, l’amitié — leur violente révolte était contre tout. Pourtant de l’amas des heures perdues monte sa voix! N’est ce pas meilleur que de ne rien dire! )
Quelques poèmes de la série ‘Stres Sirij’ (La série sous pression) rappellent ‘Les Petits Poèmes en prose’...
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Pour publier ces essais dans ses entièretés la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis:
Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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UN JEUNE DISCIPLE
Binoy Majumdar
Binoy Majumdar, célèbre poète moderne, naquit en 1934. Il publia 11 recueils de poèmes dont le premier en 1958, ‘Nakshatrer Aloy’ (À la lumière des étoiles). Les plus célèbres d’entre eux sont : ‘Phire Eso Chaka’ (Roue revenez), ‘Iswari, Amar Iswarike’( De la Déesse à ma Déesse), ‘Ai Sob Satya’ (Toutes ces vérités), ‘Ami ai Sabhay’ (J’assiste à cette réunion).
L’influence de Baudelaire lui vint par T. S. Eliot, Buddhadev Bose et les poètes du mouvement ‘Hungry Generation’ (La Génération affamée,1962). Les poèmes suivants évoquent un amour entièrement sensuel à la manière de Baudelaire : ‘Shikarher Katha Sune’( En écoutant les voix des racines), ‘Jalpipi’ (Roitelets), ‘Duratwa’ (Distance), ‘Tin Ghanta Pare’ (Après trois heures), ‘Baidagdhya’ ( Esprit), ‘Chhatri’ ( Étudiante), ‘Gram O Nagar’ ( Village et Ville), ‘Soundarjya’ ( Beauté) etc.. Dans le poème ‘Bhalobasa Dite Pari’ ( Je puis donner de l’amour), un amour mélancolique et spirituel nous est présenté :
« Bhalobasa dite pari, tomra ki grahane saksham?
Lilamoyee karapute tomader sabi jharejay—
Hasi joytsna, baytha, smriti, abasista kichhui thakena.
... ... ...
Prachin chitrer mato chirasthayi hansi niye tumi
Chale jabe; kshato niye jantranay stbdha habo ami.»
(s.1,v.1-3,13-14)
(Je puis donner de l’amour, pouvez-vous l’accueillir? De vos mains enjouées tout s’échappe, les rires, les clairs de lune, les peines, les souvenirs, finalement rien n’y reste ... Avec ton sourire éternel comme celui des vieux tableaux un jour tu partiras; et moi, blessé, meurtri, je resterai muet).
Son spleen s’exprime dans les poèmes ‘Shishukale Shunechhi Je’ (J’ai entendu dire dans mon enfance), ‘Mangsal Chitrer Kachhe’( À un tableau de chair), ‘Gune Gune Chherhe Die’( Je compte mes oublis), ‘Sabi Atishoy Shanta’( Tout est extrêmement calme), ‘Suray Unmatta Hoye’(Enivré de vin), ‘Kichhuta Samoy Tabu’ (Encore un peu de temps), ‘Santapta Kusum Fute’( La Fleur échauffée fleurit) etc.. A titre d’exemple prenons les vers suivants :
«Sobi atishoy shanta : nirbak dimer bhanga khosha
Shalpata, hahakar, bakul briksher dirghaswas.
Sob jeno kabekar banbhojaner parishese
Kono nil anamika nadir matan dirgha hoye
Chale gechhe niruddeshe; dur theke bhese bhese ase
Kath cherayer shabda; amader deher fasal,
Kharh jeno jhore gechhe, abashese swapner bhitare.
Eto swabhabikbhabe sabai byartha— byartha santa, dhir. »
(Sobai Atishoy Santa: Tout est extrêmement calme; s.1,v.1-8)
(Tout est extrêmement calme, silencieux— les coques des œufs brisés, les feuilles du shal, les cris, les soupirs du bakul. Tout comme après un pique-nique bien ancien, devenu bien long comme une rivière sans nom, tout est parti sans but; au loin on entend scier du bois ; la moisson de nos corps, montrant leur squelette de paille, enfin à l’intérieur de mes rêves. Tout est si naturellement vain— vain, calme, patient).
Il y a quelques longs poèmes comme ‘Sakal Bakul Phul’( Toutes les fleurs du bakul), ‘Bishal Dupur Bela’( Un très long midi), ‘Keman Mohona’( Quelle drôle d’estuaire) qui nous rappellent ‘Les Petits Poèmes en prose’...
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Pour publier cet essai dans son entièreté la permission de l'auteur et le versement des droits sont requis: Contacter : gautamfr@yahoo.fr
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Binoy Majumdar, célèbre poète moderne, naquit en 1934. Il publia 11 recueils de poèmes dont le premier en 1958, ‘Nakshatrer Aloy’ (À la lumière des étoiles). Les plus célèbres d’entre eux sont : ‘Phire Eso Chaka’ (Roue revenez), ‘Iswari, Amar Iswarike’( De la Déesse à ma Déesse), ‘Ai Sob Satya’ (Toutes ces vérités), ‘Ami ai Sabhay’ (J’assiste à cette réunion).
L’influence de Baudelaire lui vint par T. S. Eliot, Buddhadev Bose et les poètes du mouvement ‘Hungry Generation’ (La Génération affamée,1962). Les poèmes suivants évoquent un amour entièrement sensuel à la manière de Baudelaire : ‘Shikarher Katha Sune’( En écoutant les voix des racines), ‘Jalpipi’ (Roitelets), ‘Duratwa’ (Distance), ‘Tin Ghanta Pare’ (Après trois heures), ‘Baidagdhya’ ( Esprit), ‘Chhatri’ ( Étudiante), ‘Gram O Nagar’ ( Village et Ville), ‘Soundarjya’ ( Beauté) etc.. Dans le poème ‘Bhalobasa Dite Pari’ ( Je puis donner de l’amour), un amour mélancolique et spirituel nous est présenté :
« Bhalobasa dite pari, tomra ki grahane saksham?
Lilamoyee karapute tomader sabi jharejay—
Hasi joytsna, baytha, smriti, abasista kichhui thakena.
... ... ...
Prachin chitrer mato chirasthayi hansi niye tumi
Chale jabe; kshato niye jantranay stbdha habo ami.»
(s.1,v.1-3,13-14)
(Je puis donner de l’amour, pouvez-vous l’accueillir? De vos mains enjouées tout s’échappe, les rires, les clairs de lune, les peines, les souvenirs, finalement rien n’y reste ... Avec ton sourire éternel comme celui des vieux tableaux un jour tu partiras; et moi, blessé, meurtri, je resterai muet).
Son spleen s’exprime dans les poèmes ‘Shishukale Shunechhi Je’ (J’ai entendu dire dans mon enfance), ‘Mangsal Chitrer Kachhe’( À un tableau de chair), ‘Gune Gune Chherhe Die’( Je compte mes oublis), ‘Sabi Atishoy Shanta’( Tout est extrêmement calme), ‘Suray Unmatta Hoye’(Enivré de vin), ‘Kichhuta Samoy Tabu’ (Encore un peu de temps), ‘Santapta Kusum Fute’( La Fleur échauffée fleurit) etc.. A titre d’exemple prenons les vers suivants :
«Sobi atishoy shanta : nirbak dimer bhanga khosha
Shalpata, hahakar, bakul briksher dirghaswas.
Sob jeno kabekar banbhojaner parishese
Kono nil anamika nadir matan dirgha hoye
Chale gechhe niruddeshe; dur theke bhese bhese ase
Kath cherayer shabda; amader deher fasal,
Kharh jeno jhore gechhe, abashese swapner bhitare.
Eto swabhabikbhabe sabai byartha— byartha santa, dhir. »
(Sobai Atishoy Santa: Tout est extrêmement calme; s.1,v.1-8)
(Tout est extrêmement calme, silencieux— les coques des œufs brisés, les feuilles du shal, les cris, les soupirs du bakul. Tout comme après un pique-nique bien ancien, devenu bien long comme une rivière sans nom, tout est parti sans but; au loin on entend scier du bois ; la moisson de nos corps, montrant leur squelette de paille, enfin à l’intérieur de mes rêves. Tout est si naturellement vain— vain, calme, patient).
Il y a quelques longs poèmes comme ‘Sakal Bakul Phul’( Toutes les fleurs du bakul), ‘Bishal Dupur Bela’( Un très long midi), ‘Keman Mohona’( Quelle drôle d’estuaire) qui nous rappellent ‘Les Petits Poèmes en prose’...
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