Wednesday, June 08, 2005

LE RIMBAUD DU BENGALE

Samar Sen

Samar Sen (1916-1981), prit sa licence en littérature anglaise à l’Université de Calcutta en 1938. Il publia son premier poème en 1934 dans la revue de son département. Dans le premier numéro de la revue ‘Kabita’ (Poésie) de Buddhadev Bose, il publia en 1935, quatre autres poèmes. En 1946, après une douzaine d’années comme Rimbaud, il abandonna la poésie.
Bien que Samar Sen ait commencé à publier vers la fin des années trente, il est cependant considéré par plusieurs critiques bengalis comme le plus célèbre poète moderne de la quatrième décade. En fait il fit la liaison entre les deux décades.
En 1937, parut son premier recueil ‘Kayekti Kabita’ (Quelques poèmes), puis en 1940, ‘Grahan O Anyanya Kabita’(Éclipse et autres poèmes),1942, ‘Nana Katha’ (Propos Variés) et ‘Tin Purus’ (Trois générations).

C’est par Eliot que, lui aussi subit l’influence de Baudelaire, influence dont témoigne ce jugement d’Arun Mitra, ‘Ses premiers poèmes avec leur tristesse, leur souffrance cachée, leur désenchantement et leur touche de désespoir enrichirent la poésie bengalie de goûts nouveaux’, Kabi Samar Sen : Le Poète Samar Sen, Anustup,v.22,n.2-3, p.3, 1988).
Les extraits suivants témoignent de la même influence pour ce qui touche à l’amour : « Stabdha rate keno tumi berie jao ?
Akashe chand nai, akash andhakar.
... ... ...
Amake keno chherhe jao
Milaner muhurta hote biraher stabdhatay ?
... .... ...
Sahasa bujhte pari—
Diner pare keno rat ase
Ar tarara kanpe apan mane,
... ... ...
Bujhte pari keno
Stabdha rate amake tumi chherhe jao
Milaner muhurta theke biraher stabdhatay. »
(Nishtabdhatar chhanda : Rythme du silence;
s.1,v.1-2; s.2, v.7-8; s.3,v.3-5,9-11)
(Pas de bruit, il fait nuit, pourquoi donc sors-tu ? Pas de lune dans le ciel, il n’est que ténèbres. ...Pourquoi me désertes-tu, quittes-tu mon étreinte pour la désolation de la solitude. ...Soudainement je comprends— Pourquoi la nuit vient après la jour et les cœurs des étoiles tremblent, ... Je comprends pour qui tu me désertes au milieu d’une nuit muette, pourquoi tu quittes mon étreinte pour la désolation de la solitude).
Voir aussi les poèmes ‘Nagarika’ (Courtisane), ‘Duhswapna’ (Cauchemar), ‘Prem’ (Amour), ‘Ekti Meye’ (Une Jeune fille).

On trouve l’angoisse du spleen surtout dans ‘Urbashi’ (La nymphe séductrice), ‘Swarga Hote Biday’ (Expulsés du Ciel), ‘Ekti Bekar Premik’ (Amant en chômage), ‘Kayekti Din’ (Quelques jours), ‘Ebar Phirao More’(Cette fois rappelez- moi), ‘Basanta’ (Printemps), ‘Kranti’ ( Transition), ‘Nasta Nirh’ ( Nid détruit), ‘Shob Jatra’ (Cortège funèbre). Dans ce dernier poème, se trouvent les vers suivants : ‘Dhusar digante jage kalo paharh,
Kaler chhaya.
Marubhumi alorhita bhoyal jharhe,
E prachin nagare
Urdhagrib ut santarpane chale
Digwijayi madan shahare narak jwale.
... ... ...
Jibaner shes prante karal shunyer pare
Abar pratham galita shober sanidhye mukhomukhi darhai,
... ... ...
Asanna prasaba andhakare
Kshuradhar nakhe matite anka kase
Kara taka gone, ar kalo tas bhanje,
Samalobhi thonte anka
Karkash, sabdahin hin utkantha.
Dure sabjatri hanke. »
(Prt.1, s.2,v.1-6; Prt.4,s.1,v.6-7; Prt.8 s.1,v.5-10)
(A l’horizon grisâtre, veille une montagne noire qui est comme l’ombre du temps. Le désert est secoué d’une tempête terrifiante; dans la vieille cité mon chameau s’avance prudemment la tête haute. Cupide, partout invincible, allume son feu infernal dans la cité. ... Aux confins de ma vie, au bord d’un vide affreux, je fais face à nouveau à ce premier cadavre en décomposition de ma vie ... Dans l’obscurité près d’enfanter, de leurs ongles à tranchant de rasoir, faisant leur calcul sur le sol qui comptent argent et battent les cartes noires. Sur leur lèvres mêmement cupides, se dessine une angoisse brute, muette et veule. Au loin les porteurs du cadavre lancent leurs cris).
Dans le poème ‘Mukti’(Liberté), c’est la hantise baudelairienne de l’exil que l’on retrouve :
« Katakir gandhe duranta,
Ei andhakar amake ki kore chhobe ?
Paharer dhusar stabdhatay santa ami,
Amar andhakare ami
Nirjan diper moto sudur nisanga. » (s.2,v.1-5)
(Comment pourront me toucher ces ténèbres déchaînés au parfum de leurs fleurs enivrantes ? Je suis calme dans le silence grisâtre de la montagne. Dans mes ténèbres, je suis lointain comme une île déserte et solitaire).
Partout dans les œuvres de Samar Sen se décèle une présence baudelairienne. Sa conception de la mort pourtant n’est pas du tout baudelairienne : ‘Esechi andhakar theke, jatra shes hobe andhakare’ ( Je viens des ténèbres et je terminerai mon voyage dans les ténèbres— Itihas : L’Histoire; s.1v.8-9 ).

Malgré son court passage dans la poésie bengalie, il lui donna pourtant une direction toute baudelairienne. Disant adieu à la poésie, ce poète exceptionnellement doué passa la fin de sa vie à lutter contre l’injustice, l’exploitation et l’oppression

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