Thursday, June 09, 2005

LE PASSIONNÉ DE BAUDELAIRE

Buddhadev Bose

Avec le trio Buddhadev Bose (1908-1974), Sudhindranath Dutta (1901-1960) et Bishnu Dey (1907-1982), la modernité atteint son apogée au Bengale, bien que Jibanananda Das (1899-1954) et Amiya Charaborty (1901-1988) aient déjà contribué à son développement dans les années trente. Dans ce trio, Buddhadev Bose est celui qui subit le plus l’influence de Baudelaire.

Buddhadev perdit sa mère dans les 24 heures de sa naissance. Son père se remaria et son grand-père maternel prit soin de lui. Son sentiment et son goût de la solitude datent sans doute comme Baudelaire de cette époque. Il dit, ‘je passais mes journées dans la solitude, rêvant et pensant, et la plupart du temps silencieux.’ Bien qu’il ait lu Baudelaire dans des traductions anglaises, en 1931, quand il était étudiant pour la licence en anglais à l’Université de Dhaka, son enthousiasme pour ses poèmes était tel qu’il traduisit plusieurs d’entre eux en bengali. Il étudia également à cette époque et attentivement les œuvres de Mohitlal Majumdar, Gobinda Chandra Das et Jatindranath Sengupta. Cette étude enrichit non seulement son sens de la modernité, mais aussi augmenta son attraction pour Baudelaire. On trouve des éléments baudelairiens dans ses œuvres poétiques de l’époque.

En juillet, 1927, avec son ami Ajit Dutta, il publia le revue ‘Pragati’ (Progrès). Il était alors étudiant en candidature (Littérature anglaise) à l’université de Dhaka. En 1931, il s’installait à Calcutta en permanence, qui pour lui, était comme ‘un immense campus d’université sans barrières’(Buddhadev Basur Rachana Sangraha :Collection des Œuvres,vol.4). Il était en rapport avec le cercle du ‘Kallol’ (Vague). Il se lia aussi d’amitié avec Jibanananda Das , Bishnu Dey, Samar Sen Sudhindranath Dutta— tous célèbres poètes modernes bengalis des années trente et publia dans les revues ‘Kallol’(Vague,1923), ‘Sanghati’ (Harmonie,1923), ‘Uttara’(La revue du nord de la ville, 1925), ‘ Kali-Kalam’ (Encre et Plume,1926), ‘Porichay’(Présentation,1931) et ‘Purbasha’(A l’est, 1932) etc.. En 1935, il publia sa propre revue de poésies modernes ‘Kabita’ (Poésies).

C’était l’époque d’après la première guerre mondiale dont l’influence facilita grandement l’acceptation des idées baudelairiennes par les poètes du Bengale. D’après Buddhadev Bose : ‘C’est de la grande littérature, celle qui est toujours actuelle à chaque nouvelle époque, et dans laquelle chaque époque entend résonner sa propre voix intime. Ouvert à tous les mouvements littéraires, il tâchait de rendre éternelle l’actualité de leurs messages’ (Rabindranath O Kathasaitya : Rabindranath et Son Prose) Dans cet esprit, Buddhadev Bose traduisit presque entièrement Les Fleurs du Mal. Ses autres œuvres poétiques sont nombreuses : ‘Marmabani’ (Voix intime), ‘Bandir Bandana’ (Prière de louange d’un prisonnier), ‘Kankabati’ (Nom folklorique), ‘Draupadir Sharhi’ (Le Sari de Draupadi), ‘Shiter Prarthana, Basanter Uttar’ (Prière de l’hiver, réponse du printemps), ‘Je Andhar Alor Adhik’ (Obscurité plus brillante que la lumière) sont les plus importantes parmi celles-ci. On lui doit aussi de nombreux essais, quelques romans, des drames et des traductions de Rilke et Kalidas.

D’après Buddhadev Bose, Baudelaire est non seulement ‘la source’ du symbolisme mais aussi, globalement parlant, le père de la modernité. Il trouve partout dans les mondes littéraires anglais et français l’influence de Baudelaire. Il affirme en plus : ‘Au Bengale un homme de près de 50 ans, malgré une santé précaire et une vie fort incertaine, consacrait de nombreuses heures pleines de joie à traduire ses poèmes.’ Baudelaire comme Rimbaud est ‘le premier voyant, roi des poètes, vrai dieu.’ (Voir. Préface de sa traduction des Fleurs du Mal —Baudelaire : Tar Kabita).

Partout dans son œuvre l’influence de Baudelaire est évidente. Comme Baudelaire, il commence aussi son voyage poétique dans une ambiance romantique tout en s’affirmant antiromantique à tendance classique (de son livre ‘Natun Pata’ : Feuille nouvelle,1940, à ‘Marche Parha Pereker Gan’ : Chanson du clou rouillé, 1966). Dans les poèmes suivants ces diverses tendances sont manifestes :
« Ta hale ujjwal karo dip, mayabi tabile
Sankirna alor chakre magna hao, je alor bij
Janmaday sundarir, jar gan samudrer nile
Kanpay, jyochhnay jay jhilimli swapner shemij
Digbijayi jahajere bhange ene purano pathare. »
( Mayabi Tabil : L’ Écritoire magique, s.1,v.1-5 )

(Active la flamme de la lampe de ton écritoire magique, absorbé dans son cercle étroit de clarté dans laquelle prennent naissance de jolies femmes, dont les chants vibrent dans l’océan azuré, et la chemise des rêves étincelle au clair de lune et fait se briser sur de vieux rocs les bateaux vainqueurs des espaces).

Comme Baudelaire, Buddhadev est en proie aussi à l’angoisse du spleen et au mal du siècle :
« Aj ai prithibi amake shasachchhe, voy dekhachchhe dant barkore
ei dunswapna!
Aj ghamiyeesechhe sarbonash, mrityur jhapta lagchhe mukhe,
Prithibi amake hatya korte udyata, bastu andha,lobhopit hatyay;
Bastur nispesane amake marte chay, amake kerhenite chay, nijer
kachh theke,
Kerhe nite chay take, amar apekshay je bose achhe,
Jar kachhe amake jetai habe. »
(Rudra Abirbhab : Apparition de Rudra ; s.14 v.1-6)

(Aujourd’hui l’univers me menace, me fait peur comme un cauchemar, montrant les dents. Aujourd’hui la catastrophe approche, un coup de vent mortel me frappe au visage. L’Univers est prêt à ma tuer, comme une brute aveugle, jaune de l’envie de tuer. Il veut m’écraser sous le poids des chocs, se saisir de moi et m’attirer à lui. Il veut se saisir de celle qui m’attend et chez qui je devrai nécessairement me rendre).
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